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Poirot joue le jeu - Agatha Christie (1956)

Photo du rédacteur: MaxMax

Toujours fidèle à elle-même, Agatha Christie nous livre une nouvelle enquête de Poirot. Un brin différent néanmoins, mais toujours aussi plaisant !

Un roman passionnant avec l'emblématique Hercule Poirot : toujours un plaisir de lecture
 

Poirot joue le jeu, Agatha Christie, Le Livre de Poche, 1985 (1956)

C’est un jeu, un meurtre pour rire où les participants doivent découvrir le coupable.

Rira bien qui rira le dernier…

 

On ne présente plus Agatha Christie. L’empreinte qu’elle a laissé sur la littérature policière est si fascinante qu’elle inspire encore aujourd’hui bon nombre d’auteurs du genre. Côté lecteurs, il semble que beaucoup d’entre eux aiment se replonger de temps à autre au cœur de ses énigmes dont elle seule a le secret : ses romans, qui font partie chaque année des livres les plus lus dans le monde, sont là pour nous le rappeler. 


Et il faut bien reconnaître qu’on éprouve à chaque fois un énorme plaisir à ouvrir l’un de ses livres. Que ce soit par l'entremise d’Hercule Poirot, le fameux petit détective belge, ou de Miss Marple, la vieille dame aussi espiègle que maligne, on est toujours certains de passer un excellent moment de lecture. 


Évidemment ce roman, Poirot joue le jeu (Dead Man’s Folly en version originale), ne déroge pas à la règle. Agatha Christie nous livre ici un roman passionnant, bien que légèrement différent de ses autres titres, dans lequel Hercule Poirot se confronte une fois de plus à une énigme des plus retorses. Publié en 1956, ce roman nous invite dans le cadre pittoresque d’un manoir anglais où une kermesse locale vire au drame.


Voici ci-dessous une chronique de ce livre qui ne révèlera absolument rien du dénouement final (pour ne rien gâcher au plaisir de ceux qui voudraient le lire) ! 


Dieu sait, vraiment, que je ne voudrais pas vous mettre martel en tête. Mais le fait est que j’ai besoin de vous.

Un jeu qui tourne mal


Tout commence lorsque Poirot est invité par Ariadne Oliver, une romancière excentrique et amie de longue date, à assister à une fête au domaine de Nasse House, propriété d’un couple aisé, les Stubbs. Ariadne Oliver, qui a été chargée d’organiser une « chasse au meurtrier » pour animer les festivités, soupçonne que quelque chose de grave se trame derrière ce qui semble être un événement bon enfant.


Bien qu’un brin sceptique, Poirot se laisse tout de même convaincre par Miss Oliver et part la rejoindre sur place. Rapidement, ce qui devait être un jeu inoffensif bascule dans le drame lorsqu’un véritable meurtre est commis. Mais qui, parmi les invités et les habitants du village, aurait pu vouloir en arriver là ? Et pourquoi ? L’enquête de Poirot s’annonce comme un labyrinthe d’indices et de fausses pistes, où chaque personnage pourrait cacher un secret. 


Ça semble normal à première vue, mais c’est loin d’être le cas, s’obstina Mrs Oliver, têtue. Je vous le dis, monsieur Poirot. Il y a du vilain à l’horizon.

Une intrigue captivante mais un poil tiré par les cheveux


Poirot joue le jeu est un exemple parfait du savoir-faire d’Agatha Christie. Ce point de départ (une kermesse de village organisée dans la propriété d’une richissime famille) n’a, sur le papier, pas grand intérêt. Des activités conventionnelles (du moins pour l’époque) sont organisées pour divertir les habitants du coin le temps d’une journée : diseuse de bonne aventure, chamboule-tout, buvette avec distribution de thé… Bref rien que de très commun pour un village britannique au milieu des années 1950.


Pourtant, le cadre champêtre et l’apparente simplicité de la situation contrastent avec l’habileté avec laquelle Agatha Christie sème le doute à chacune de ses pages. Car, avec l’auteure, rien n’est absolument anodin. L’événement le plus banal ou la simple phrase prononcée par l’un des protagonistes peut vite se révéler être capital pour comprendre le fin mot de l’histoire. Le lecteur doit sans cesse rester sur le qui-vive afin de déceler la moindre contradiction, la moindre incohérence glissée ça et là par Agatha Christie pour nous mettre sur la voie.


Bien évidemment, comme souvent dans les romans de la Reine du Crime, seul Poirot peut résoudre l’énigme. Surtout dans ce livre, car il s’avère que, bien que passionnante et sans doute un peu plus sombre qu’à l’accoutumée, cette intrigue soit particulièrement retorse. Un peu trop, sans doute. Quasiment impossible à deviner tant les indices laissés par Christie sont rares. Lorsque Poirot finit par lever le voile, à la toute fin du récit, on ne peut que se dire que cette enquête était un poil tirée par les cheveux.


Il n’est jamais difficile de lâcher la bride à son imagination, se rengorgea Mrs Oliver. Le problème, c’est qu’elle s’emballe, qu’elle en fait trop, si bien que tout se complique, et qu’il faut élaguer, et c’est là que ça vire au cauchemar.

Néanmoins, force est de constater qu’Agatha Christie nous livre encore un livre passionnant. Si la révélation finale est peut-être un brin déceptive, il convient tout de même de souligner que ce livre se lit d’une seule traite ou presque. L’atmosphère du manoir, les interactions sociales entre les personnages, et les dialogues ciselés rendent l’immersion totale. D’autant plus qu’on oublie souvent de le souligner, mais Agatha Christie est une fine psychologue. Elle a le don de créer des personnages particulièrement réalistes, et de faire reposer l’essentiel de son intrigue sur leur caractère et sur leur personnalité.


Enfin, l’une des particularités de ce roman, en comparaison des nombreux autres mettant en scène Poirot, réside dans son dénouement (assez brutal mine de rien). Ici, pas de révélation théâtrale comme le chérit le détective à la célèbre moustache (en rassemblant tous les suspects pour enfin débusquer le meurtrier). Non, Poirot joue pour une fois tout en subtilité, les dernières pages sont presque de l’ordre de l’intime, ajoutant une touche d’humanité assez touchante. Et, à la lumière de ses révélations, on peut le comprendre.


Ariadne Oliver, miroir d’Agatha Christie ?


Mais au-delà du mystère, ce roman se distingue aussi par son ton légèrement introspectif et ironique. À travers Ariadne Oliver, Christie semble se livrer à une forme d’autoportrait humoristique et critique, ajoutant une profondeur inattendue à l’histoire.


Ariadne Oliver est une figure récurrente dans l’œuvre de Christie, et Poirot joue le jeu lui donne une place de choix. Non pas qu’elle ait un rôle central au sein de l’intrigue, mais plutôt par ce qu’elle représente. Cette écrivaine de romans policiers, connue pour ses intuitions brillantes mais chaotiques, est souvent perçue comme une caricature tendre d’Agatha Christie elle-même. 


Par son biais, Christie s’amuse de certains clichés du métier d’écrivain, comme les attentes irréalistes des lecteurs ou les contraintes imposées par les éditeurs. Son franc-parler et son extravagance apportent une certaine fraîcheur au récit. On a l’impression qu’Agatha Christie utilise ce personnage, ce double fictif presque, pour prendre du recul par rapport à sa propre condition d’autrice à succès. Et c’est assez amusant.


Or, vous êtes un être sensible, madame. Les ambiances, la personnalité des gens que vous rencontrez exercent sur vous leur influence. Et cela, vous nous le rendez dans vos livres. Non pas de manière évidente et grossière, mais comme une sorte de terreau sur lequel votre cerveau fertile cultive son inspiration.

Bref, Poirot joue le jeu est une valeur sûre, à l’image de tous les livres d’Agatha Christie. Sans être son meilleur, sa lecture est particulièrement plaisante et on apprécie de temps à autre, retrouver notre cher détective belge le temps de quelques heures passées en sa compagnie. Ce roman offre un parfait mélange de suspense et de charme britannique, confirmant une fois de plus pourquoi son œuvre continue de fasciner des générations de lecteurs.


Alors, prêt à partir à la « chasse au meurtrier » aux côtés d’Hercule Poirot ?


Poirot joue le jeu est, comme toujours avec Agatha Christie, un roman policier à la lecture plus qu’enthousiasmante. On comprend pourquoi les livres d’Agatha Christie figurent toujours parmi les livres les plus lus au monde. Au fil des générations, les lecteurs ont appris à dévorer chacun de ses romans et à retrouver, le temps de quelques heures, un personnage qui ne laisse pas indifférent : Hercule Poirot. Ici, dans ce livre, le décor champêtre (un manoir au fin fond de l’Angleterre) et l’incroyable banalité du contexte (une kermesse de village) contrastent avec l’intrigue, extrêmement complexe, voire même un peu trop tirée par les cheveux diront certains. Et c’est sans doute vrai tant le dénouement final nous amène à penser qu’il était pratiquement impossible de découvrir la vérité sans l’aide de Poirot. Pourtant, comment ne pas se laisser embarquer dans ce nouveau mystère : d’abord avec Poirot, toujours fidèle à lui-même, qui nous guide à travers tous les mystères qui recouvrent la famille Stubbs et ses invités ; et Mrs Oliver, l’écrivaine excentrique, double d’Agatha Christie, qui apporte ici un vent de fraîcheur. Mention spéciale à ce personnage qui, par son truchement, permet à Christie de se distancier assez ironiquement de sa condition d’écrivaine à succès. On notera enfin un dénouement plutôt inhabituel lorsqu’il s’agit des enquêtes du détective belge : ici, pas d’excès de théâtralité lors de la résolution finale (les suspects n’étant pas rassemblés pour écouter la façon dont le détective est arrivé à la vérité), il fait au contraire preuve d’une certaine subtilité, les dernières pages étant presque de l’ordre de l’intime, apportant une certaine dose de gravité, de noirceur, et même d’humanité. Bref, bien que ce roman ne soit pas le meilleur d’Agatha Christie, il n’en reste pas moins particulièrement palpitant et déroutant.


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Ralph Waldo Emerson

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