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Le Meurtre de Roger Ackroyd, Agatha Christie (1926)

Retour sur un roman policier qui a révolutionné le genre, écrit par celle que l'on nommera par la suite la "Reine du Crime".


 

Le Meurtre de Roger Ackroyd, Agatha Christie, Le Livre de Poche, 1971 (1926)

Un soir, dans sa propriété de Fernly Park, l’industriel Roger Ackroyd se confie à son ami le Dr Sheppard. La veuve qu’il envisageait d’épouser s’est suicidée pour échapper à un chantage. Dans une ultime lettre, elle lui révèle le nom de celui qui détient un terrible secret : un an plus tôt, elle a assassiné son mari.

Peu après avoir livré ces confidences, Roger Ackroyd est retrouvé mort, poignardé. Et la fameuse lettre a disparu…

Paru en 1926, ce deuxième roman d’Agatha Christie lui valut aussitôt une célébrité internationale, pour la rigueur d’une intrigue où l’énigme restait entière jusqu’aux toutes dernières pages. Et aussi pour la stupéfiante habileté avec laquelle l’astucieux détective belge du nom d’Hercule Poirot amenait ses lecteurs à la solution la plus imprévue…

 

Publié en 1926, alors qu’Agatha Christie n’était pas encore la romancière à l’immense renommée, Le Meurtre de Roger Ackroyd a dès sa sortie marquée l’histoire du roman policier. Son intrigue si particulière, digne des meilleurs romans de la “Reine du Crime”, son twist final inimaginable pour l’époque et, je crois, jamais encore écrit et repris depuis à tort et à travers, feront de ce livre l’un des classiques de ce genre littéraire. Rassurez-vous, je ne livrerai ici aucun élément du récit vous divulguant la résolution de ce crime, je tâcherais juste d’évoquer les aspects de ce roman qui ont attirés mon attention et qui le situent, à mon humble avis, parmi les incontournables du genre.


«Et maintenant, mesdames, messieurs, j’irai jusqu’au bout de ma pensée. Comprenez ceci : j’ai l'intention de découvrir la vérité. Car si la vérité peut être hideuse en elle-même, elle sera toujours belle et fascinante aux yeux de celui qui la cherche. Je suis âgé, mes capacités ne sont peut-être plus ce qu’elles étaient...» Ici, je sentis qu’il attendait des protestations. «… et il est très probable que cette affaire soit ma dernière investigation. Or, Hercule Poirot ne reste jamais sur un échec. Je vous le dis, mesdames et messieurs, je veux savoir et je saurai. Malgré vous tous.»

Si ce roman est si emblématique des œuvres d’Agatha Christie, c’est parce qu’elle met en scène un drôle de détective belge, petit homme à la moustache si reconnaissable, imbu de lui-même mais, au fond, d’une humanité remarquable… Oui, le fameux Hercule Poirot. Personnage ô combien attachant, présent dans 33 romans et 51 nouvelles, il illumine de toute sa malice et de son intelligence ce roman. N’est-il pas, après tout, le plus grand détective du monde ?


Ce meurtre a tout d’un casse-tête. Tous les suspects semblent avoir des alibis, comme ils présentent tous également des mobiles suffisamment forts pouvant conduire au meurtre. Or, de nombreux éléments intriguent, tant Hercule Poirot que le brave inspecteur, mais surtout que le lecteur. Typiques des écrits d’Agatha Christie, de nombreux faits émaillent les circonstances du crime et, de ce fait, voilent la révélation de la vérité. Certains semblent parfaitement anodins, d’autres plus problématiques. Dans le brouillard qui entoure cette affaire, seul Poirot semble y voir suffisamment clair pour percer à jour ce mystère, lui qui pourtant était venu dans ce petit village de King’s Abbot pour prendre sa retraite et faire pousser des courges dans une discrétion totale, loin des lumières et de sa célébrité. Pour faire toute la lumière et débusquer le meurtrier, Poirot l’affirme, il sait comment s’y prendre “la méthode ! C’est mon mot-clé à moi aussi. Méthode, ordre, et les petites cellules grises”. Avec ce triptyque qui a tout d’une formidable caisse à outils du parfait détective, Il devra travailler progressivement, imaginer toutes les théories et les réfuter les unes après les autres, pour qu’à la fin, il n’en reste plus qu’une : la vérité.


Je m’attardai à dessein, assez préoccupé, je l’avoue, pour ne pas dire inquiet. Je n’irais pas jusqu’à prétendre qu’à cet instant, je prévoyais déjà les événements que me réservaient les semaines suivantes. J’en étais même fort loin. Mais mon instinct me soufflait que ma tranquillité était gravement menacée.

Dans la plupart des romans d’Agatha Christie, et dans celui-ci en particulier, le lecteur se trouve plongé au cœur de cette affaire criminelle par l’entremise d’un des personnages qui vivent ce meurtre de près. Ici, ce n’est pas le fidèle capitaine Hastings, ami de longue date du détective, mais plutôt le docteur Sheppard, proche de la victime qui suivra l’enquête grâce à son amitié naissante avec Poirot. Il va l’accompagner dans tout son cheminement intellectuel qui lui permettra de découvrir la vérité. Dans son journal, il nous livrera toutes les étapes du Belge, toutes les découvertes d’indices essentielles pour dénicher le meurtrier. Car oui, comme dans tous les mystères d’Agatha Christie, le lecteur doit être en mesure, avec tous les éléments recueillis par Poirot, de découvrir ce qui s’est réellement passé. Là se trouve la véritable force de ce roman : si le lecteur est bon (vraiment bon) et logique (vraiment logique), il arrivera aux mêmes conclusions que celles de Poirot !


Après tout, cinq cents livres… bien des crimes ont été commis pour moins que ça. Chaque homme a son prix, et c’est ce prix qui fait pencher la balance. Tout est relatif, n’est-ce pas mon ami ?

Au-delà du plaisir indiscutable que procure un roman d’Agatha Christie pour quiconque l’ouvre et se prend au jeu de la résolution du meurtre, on est formidablement surpris par la capacité de l’écrivaine à décrire le monde dans lequel elle évoluait en cette première moitié du XXème siècle. Entre une aristocratie vieillissante et une grande bourgeoisie oisive, elle sait donner aux personnages qu’elle décrit avec beaucoup d’affection une authenticité remarquable. Dans la bulle de la haute société de l’époque, chacun reste à sa place, et il n’y a véritablement que l’amour qui arrive à transcender parfois les classes sociales.


Mais au fond, Agatha Christie est une formidable peintre de la nature humaine. A travers chaque personnage, et peu importe leur statut social, tous sont empreints d’une grande humanité, avec ses qualités comme avec ses défauts. C’est pour cela que, finalement, les mobiles qui font de chaque personnage un suspect pour le meurtre de Roger Ackroyd, ne sont en réalité que des révélateurs de la nature humaine. Le meurtre qu’Agatha Christie met en scène cristallise en réalité toutes les facettes de l’humanité autour des différents protagonistes. Ici, il y a de l’envie, de la jalousie, de la cupidité, de l’amour, des mensonges, de l’avarice, de la bienveillance, bref tout ce qui fait d’être un être humain. Et je crois que c’est précisément là que réside le grand mystère des romans de cette incroyable écrivaine : comment arrive-t-elle, à chacun de ses livres, et à travers une poignée de personnages, à parler à n’importe quel lecteur qui entre dans l’une de ses intrigues ?



Bien que sans doute un peu daté, le ressort de l’intrigue ayant été depuis éculé, lire Le Meurtre de Roger Ackroyd n’en reste pas moins une expérience incroyablement captivante pour quiconque aime se fondre dans la peau d'un détective pour débusquer un criminel. Avec ce roman policier, Agatha Christie pousse les ressorts du genre au-delà des frontières traditionnelles pour mon plus grand plaisir. La force de ce livre, est sans doute aussi de la plupart des romans d’Agatha Christie, réside dans la surprenante capacité de l’écrivaine à nous happer : grâce à ses personnages, elle arrive à cristalliser autour d’un meurtre tout le spectre de la nature humaine. Chez elle, cupidité, amour, jalousie, vengeance, haine sont autant de facettes de l’être humain que de mobiles poussant au meurtre. En y ajoutant des descriptions psychologiques formelles avec lesquelles l’écrivaine joue, elle fait naître des romans impossibles à lâcher. Chapeau !


Mon ami Hastings, voyez-vous, celui dont je vous ai parlé… Il disait toujours que je n'étais pas un homme mais une huître. C’était injuste, je ne cache jamais ce que je sais. Mais chacun interprète mes paroles à sa façon.

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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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