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Les Souffrances du jeune Werther -Johann Wolfgang von Goethe (1774)

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    Max
  • il y a 57 minutes
  • 7 min de lecture

Un monument de la littérature européenne qui a inspiré le mouvement romantique. Ou quand la passion amoureuse conduit au pire.

Un roman épistolaire qui a inspiré le mouvement littéraire du romantisme

Les Souffrances du jeune Werther, Johann Wolfgang von Goethe, Le Livre de Poche, 1999 (1774) 

«Werther. Je me souviens de l’avoir lu et relu dans ma première jeunesse pendant l’hiver, dans les âpres montagnes de mon pays, et les impressions que ces lectures ont faites sur moi ne se sont jamais ni effacées ni refroidies. La mélancolie des grandes passions s’est inoculée en moi par ce livre. J’ai touché avec lui au fond de l’abîme humain… Il faut avoir dix âmes pour s’emparer ainsi de celle de tout un siècle.» À ces lignes de Lamartine pourraient s’ajouter d’autres témoignages : très tôt, le livre entre dans la légende, jusqu’au suicide, dit-on, de certains de ses lecteurs.

Si à sa parution, en 1774, il établit d’un coup la réputation du jeune Goethe encore presque inconnu, s’il est rapidement traduit en français, c’est sans doute parce que, dans ce roman par lettres dont la forme est depuis longtemps familière au lecteur, la voix même du personnage fait retentir l’intransigeance de la passion, mais c’est surtout que Werther, le premier héros romantique, exprime de manière éclatante la sensibilité aussi bien que le malaise de son temps où l’individu se heurte à la société.

Publié en 1774, ce roman fait partie des rares livres qui ont fait date dans l’histoire de la littérature européenne et mondiale. Auteur quasi inconnu car alors âgé d’à peine vingt-cinq ans, la publication de ce livre marque les débuts de Goethe et contribuera à faire de lui l’un des plus grands écrivains allemands (avec notamment son célèbre Faust paru en 1808).


Les Souffrances du jeune Werther est en effet un livre qui a marqué le XVIIIème siècle de son empreinte. Dès sa parution, son succès fut immédiat. Et les polémiques tout autant. Pourquoi me diriez-vous ? 


Mon ami, m’écriai-je, l’homme est toujours l’homme ; la petite dose d’esprit que l’un a de plus que l’autre fait bien peu de différence, quand les passions bouillonnent et que les bornes prescrites à l’humanité se font sentir.

Parce qu’avec ce livre, Goethe remet en question les fondements d’une société aristocratique profondément catholique. En interrogeant les relations sociales entre une aristocratie vieillissante et une bourgeoisie alors en pleine expansion, mais surtout en traitant frontalement l’un des grands tabous de la religion catholique, à savoir le suicide, Goethe fait une entrée fracassante dans le monde littéraire de l’époque. Et sera l’un des précurseurs du mouvement romantique qui déferlera sur l’Europe quelques décennies plus tard.


Dès sa sortie, ce roman est donc jugé comme immoral. Pourtant, rien ne l’empêche de devenir un véritable phénomène pour l’époque, ce livre se vendant comme des petits pains. Né aussi une sorte de légende urbaine, qui donnera le nom d’« effet Werther » : une vague de suicides aurait été à déplorer lors de sa sortie, l’histoire de Werther ayant eu un certains échos chez des jeunes de l’époque les poussant au suicide…


Bref, ce roman est donc marquant à plus d’un titre. Sans prétention aucune, voici une chronique qui permet, je l’espère, de mettre en avant quelques-uns des éléments les plus frappants de ce texte et qui vous donneront, peut-être, envie de le découvrir. Car ne faisant qu’à peine cent cinquante pages, ce livre est à lire absolument.


Dans cette contrée paradisiaque, la solitude constitue un baume précieux pour mon âme, et cette saison pleine de jeunesse réchauffe de son abondance un cœur souvent parcouru de frissons.

La passion dévorante d’un jeune homme


Les Souffrances du jeune Werther est donc un roman relativement court pour l’époque. Il met en scène un jeune homme d’origine bourgeoise, Werther, qui part dans la campagne allemande pour se destiner au dessin. Pensant avoir un quelconque talent, il se promène à travers les vallées et les champs pour y trouver l’inspiration. De ces promenades, il en écrit des lettres à son ami Wilhelm. 


Déambuler ainsi à travers les villages lui permet de rencontrer du monde, et il se fait bientôt inviter à un bal lors duquel il rencontre pour la première fois une jeune femme, Charlotte, dont il tombe dès les premiers instants amoureux. Depuis la mort de sa mère, cette dernière s’occupe des ses frères et sœurs alors en bas âge, et est promise à son fiancé, Albert.


Cet amour passionnel le ronge. Il décide alors de quitter l’endroit et de fuir Charlotte en acceptant un travail auprès d’un ambassadeur. Se croyant accepté dans le cercle aristocratique qui l’accueille ainsi, il pense tomber amoureux d’une autre jeune femme. Mais lors d’une soirée, il subit une humiliation qui le rendra encore un peu plus misanthrope, la haute société voyant alors d’un mauvais œil ce jeune bourgeois au milieu de leur fête.


Le cœur plein de désillusion, il retourne auprès de Charlotte. Mais face à l’impasse de ce triangle amoureux, Charlotte acceptant son devoir d’épouser Albert, Werther se laisse peu à peu ronger par sa passion dévorante pour la jeune femme, au point de ne plus voir qu’une seule issue à sa situation : se donner la mort.


Ah ! J’ai déjà cent fois saisi un couteau pour faire cesser l’oppression de mon cœur.

Un roman épistolaire subversif


Si, sur la forme, le roman n’est en rien novateur (le roman épistolaire était pour le moins commun à l’époque), ce livre est en revanche absolument moderne sur le fond tant il préfigure le mouvement romantique qui se développera pleinement quelques décennies plus tard. 


Goethe utilise le roman épistolaire pour mettre en avant une subjectivité comme rarement : celle de Werther, un jeune homme d’une sensibilité à fleur de peau qui se perd dans un amour impossible et qui le conduira au suicide. Beaucoup, à l’époque, jugèrent de fait ce livre comme immoral puisqu’il met cet acte extrême au cœur de son intrigue. 


Pour une société traditionnelle et catholique, ce livre a donc été perçu comme une provocation. Provocation accentuée par la critique de l’ordre établi : dans une société allemande encore fondamentalement aristocratique, Werther, jeune bourgeois, fait tâche par son comportement et ses idées. Qui plus est, si le motif de son suicide est avant tout le dépit amoureux, il serait inexact de ne pas prendre en compte l’humiliation qu’il vécut au sein de la cour de l’ambassadeur. 


Werther est donc, à plusieurs égards, un personnage qui entre en résonance avec les enjeux de son époque. Exemple même du jeune homme malmené par les us et coutumes de son temps, héros à la personnalité aussi forte que sensible, les lettres qu’il laisse à son ami démontrent qu’il ne se sent pas à sa place au sein de cette société trop rigide. Sa subjectivité se fracasse face aux règles de la société dans laquelle il évolue.


Oh ! Quel feu court dans toutes mes veines lorsque par hasard mon doigt touche le sien, lorsque nos pieds se rencontrent sous la table ! Je me retire comme du feu ; mais une force secrète m’attire de nouveau ; il me prend un vertige, le trouble est dans tous mes sens. 

La chute intérieure d’un jeune homme dévoré par l’amour


En choisissant la lettre comme forme de son roman, Goethe fait un choix particulièrement pertinent : en nous faisant lire les nombreuses lettres que le jeune Werther envoie à son ami Wilhelm, le lecteur est plongé au cœur des tourments du héros. Par ce procédé, on découvre ainsi une personnalité éminemment féconde, mais aussi fougueuse, amoureuse, bouillonnante, passionnée, mais aussi terriblement contradictoire. 


Ses sentiments, aussi vifs qu’excessifs sans doute, finissent par le consumer de l’intérieur. Et la passion qui l’anime finit par le dévorer, Werther s’effaçant peu à peu derrière son amour inébranlable, presque fanatique, à l’égard de Charlotte. C’est cette descente aux enfers, progressive mais implacable, qui nous pousse, nous lecteurs, à tourner les pages.


Comme bon nombres d'œuvres de l’époque, la sensibilité, ou plutôt l’extrême sensibilité dont fait preuve Werther dans ses pages peut parfois embarrasser le lecteur. Découvrir l’expression de sentiments si vifs, si passionnés, peut aussi nous mettre mal à l’aise tant ils semblent parfois exagérés aujourd’hui. 


Néanmoins, ne nous arrêtons pas à cette expansion sentimentale extrême. Ce livre nous plonge dans ce que l’amour a de plus flamboyant, de plus émouvant, mais aussi de plus total et radical. Werther, jeune bourgeois oisif et cultivé, se laisse consumer par ses sentiments, perdant progressivement tout recul, se refermant peu à peu, au point de développer une obsession mortifère envers Charlotte.


Enfin, et pour conclure, notons que ce livre, non comptant de pousser à son paroxysme le sentiment amoureux et de créer polémiques à sa sortie, constituera les prémisses de ce que sera le romantisme en littérature et inspirera bon nombre d’auteurs par la suite : Stendhal, Musset ou encore Victor Hugo. Un livre à découvrir absolument.


Oui, sans doute, je ne suis qu’un voyageur, un pèlerin sur la terre ! Et vous, qu’êtes-vous donc ?

Les Souffrances du jeune Werther est un classique pour lequel l’usage de ce terme est loin d’être galvaudé. Si aujourd’hui sa lecture peut le rendre un brin daté, il apparaît néanmoins nécessaire de le replacer dans le contexte de sa parution. Car la publication de ce roman a marqué l’histoire de la littérature. Et ce n’est pas tant à cause de sa forme (le roman épistolaire étant après tout en vogue à l’époque), que de son fond : en s’attaquant à la société aristocratique allemande, mais surtout en prenant comme sujet l’un des tabous catholiques, le suicide, Goethe devient immédiatement un auteur à succès. Cette entrée fracassante dans le monde littéraire de la fin du XVIIIème siècle, suivi du reste de ses œuvres (dont notamment le fameux Faust) fera de lui l’un des auteurs allemands les plus connus de son temps. En suivant le tragique de l’aventure amoureuse de Werther, Goethe lancera le romantisme. Car avec ce livre, il offre à ses lecteurs un personnage tourmenté, à la sensibilité éclatante mais, hélas, dévorante. L’amour qu’il éprouve pour Charlotte, couplé à une humiliation lors d’une soirée mondaine, le fera plonger peu à peu vers le désespoir. En lisant toutes ses lettres une à une, le lecteur voit sombrer ce jeune homme, noyé dans un amour impossible. C’est cette passion frénétique et mortifère au-delà du rationnel qui fera de cette œuvre un monument de la littérature.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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