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Le Club des philosophes amateurs - Alexander McCall Smith (2004)


Un roman policier en trompe-l'oeil, qui relègue l'enquête au second plan au profit des questionnements moraux que rencontre son personnage principal. Un peu décevant, mais humain.


Un roman policier humain qui nous offre des questionnements éthiques et moraux
 

Le Club des philosophes amateurs, Alexander McCall Smith, Editions du Masque, Collection Le tour du monde en polars, 2024 (2004)

Isabel Dalhousie, quadragénaire célibataire et indépendante, vit à Édimbourg où elle est rédactrice en chef de la très respectée Revue d'éthique appliquée et présidente du club des philosophes amateurs. Alors qu’elle profite d’une soirée à l’opéra, un jeune homme tombe d'un balcon et meurt à ses pieds. Toujours prête à se mêler des problèmes qui ne la regardent pas – à commencer par ceux qui sont du ressort de la police –, cette adepte de la vérité ne croit pas un instant à la thèse de l'accident et décide de mener l’enquête. Mademoiselle Dalhousie est-elle prête à découvrir la face sombre de la tranquille capitale écossaise ?

 

Alexander McCall Smith est un écrivain écossais né à Bulawayo, en Rhodésie du Sud (aujourd'hui Zimbabwe). Après avoir commencé sa carrière en tant que juriste spécialisé en droit appliqué à la médecine et à la bioéthique, il s’est ensuite fait connaître comme romancier avec notamment sa série Les enquêtes de Mma Ramotswe. Cette série met en scène Precious Ramotswe, la première femme détective du Botswana. 


Le roman dont il est question ici, Le Club des philosophes amateurs, et le premier d’une autre série de livres policiers qui suit les enquêtes d’Isabel Dalhousie, rédactrice en chef d’une revue de philosophie d’éthique appliquée à Edimbourg. Il s’agit du troisième roman publié dans la collection lancée récemment par les Éditions du Masque, une collection originale qui propose de faire voyager ses lecteurs sur les cinq continents à travers des polars.


Des gens meurent parce qu’on les a poussés. D’autres parce qu’ils ont glissé.

Une philosophe enquêtrice


Le Club des Philosophes Amateurs, nous plonge dans la charmante ville d'Édimbourg, aux côtés d’Isabel Dalhousie, directrice d’une revue d’éthique appliquée et philosophe amateur qui se retrouve par accident sur les lieux d’une mort en apparence accidentelle. Alors qu’elle se trouvait à l’opéra, une fois la représentation finie, elle assiste à la chute d’un jeune homme depuis l’un des balcons de la salle. Tout indique qu’il s’agit d’un suicide. Souhaitant initialement laisser la police faire son travail, sa curiosité la pousse peu à peu à mener l’enquête de son côté…


C’est avec ce préambule que le lecteur fait ainsi connaissance d’une enquêtrice qui sera l’héroïne de plus d’une douzaine de romans policiers : Isabel Dalhousie. Dans ce type de romans, dans lesquels le personnage principal doit immédiatement marquer le lecteur ou, du moins, paraître suffisamment attachant pour lui donner envie de poursuivre l’aventure à ses côtés pour de nouvelles enquêtes, les premières pages sont capitales.


Les injustices passées : quel beau sujet pour les philosophes ! Si elles semblaient moins révoltantes, était-ce seulement parce que le passage du temps suffisait à rendre moins vivace leur souvenir ?

Et autant dire d’emblée que le pari est plutôt réussi. Sans être absolument révolutionnaire et sans marquer durablement les esprits, Isabel Dalhousie reste un personnage plutôt sympathique. Responsable d’une revue d'éthique appliquée, la philosophie est au cœur de son existence. Son esprit curieux et analytique l'amène à s'interroger sur les dilemmes moraux et éthiques qui jalonnent sa vie quotidienne, que ce soit les secrets de famille, les intrigues amoureuses ou les enjeux de la vie professionnelle. Si certains pourront se lasser de certains passages, sans doute trop longs et parfois superflus, qui pourraient s’apparenter à une forme de « philosophie pour les nuls » pour les plus mesquins d’entre eux, ces raisonnements m’ont semblé bienvenus sans être pompeux, sans réellement se prendre au sérieux. Et c’est appréciable.


Une enquête qui devient secondaire


Le vrai bémol de ce livre, s’il en est, se situe au niveau de son intrigue, primordiale pour un livre qui se veut être un roman policier. Si les premières pages sont plutôt réussies tant elles arrivent à nous plonger au cœur de la vie quotidienne d’Isabel et à nous permettre de saisir toute la subtilité de sa personnalité (la construction de son personnage est très bien menée), la mort du jeune homme devient très vite un aspect secondaire du livre. Cat (la nièce d’Isabel) et sa vie personnelle devient presque central dans ce roman. La raison réside peut-être dans le fait qu’il s’agisse ici du premier tome d’une longue série, l’auteur voulant s’assurer d’avoir bien poser les bases de ce que sera sa série de livres. A noter également que lorsqu’on referme ce roman, une étrange question demeure : pourquoi diable avoir donné ce nom (Le Club des philosophes amateurs) s’il n’y a (pour le moment) aucun club de philosophes, la seule étant pour le moment Isabel ? Vraiment dommage.


Le monde, lui semblait-il, était bâti sur des mensonges et des demi-vérités, et une des tâches de l’éthique appliquée était d’aider à se frayer un chemin parmi tant de faux-semblants.

Cela étant, si l’enquête est ici reléguée au second plan, elle n’en est pas moins relativement bien traitée si l’on met de côté tous les passages relatifs à la vie quotidienne d’Isabel, comme évoqué précédemment. Ce jeune homme a-t-il volontairement mis fin à ses jours ? Ou bien était-ce un accident ? Voire même un meurtre ? Si, au début, elle n’avait pas eu la volonté de s’impliquer dans cette histoire, force est de constater que le naturel revient souvent au galop. Et chez Isabel, le naturel, c’est sa curiosité. Elle va peu à peu finir par mener sa propre enquête, interrogeant suspects et autres personnes en lien avec le pauvre jeune homme décédé. Et parvenir à résoudre ce mystère.


Le Club des Philosophes Amateurs est un roman charmant et réfléchi qui offre une belle évasion dans le monde envoûtant de la philosophie et des relations humaines. Malgré certains défauts, la lecture de ce roman reste agréable et charmante, et offre des réflexions morales parfois pertinentes. La résolution finale, si elle arrive tardivement et est traitée en quelques pages seulement, offre en ouverture un questionnement éthique qu’il n’est pas facile de trancher. Un livre malgré tout empreint d’une grande humanité.


N’était-ce pas Soljenitsyne qui, en recevant son prix Nobel, avait déclaré : « Un mot de vérité conquerra le monde » ? De la part d’un homme qui avait vécu dans un enchevêtrement orwellien de mensonges d’Etat, s’agissait-il d’un vœu pieux ou d’une fois justifiée dans la puissance de la vérité, qui toujours brillerait dans les ténèbres ? Il fallait que ce fût la seconde réponse : sinon, la vie serait trop sinistre pour qu’on voulût la poursuivre.

En fin de compte, Le Club des philosophes amateurs est peut-être un roman policier en trompe-l'œil. En trompe-l'œil car il n’est question dans ce livre d’aucun rassemblement de philosophes. En trompe-l’oeil également car s’il y a bien une enquête policière qui sert de fil rouge tout au long du livre, celle-ci n’en est pas moins reléguée au second plan. Ce roman est avant tout centré sur son personnage principal, Isabel Dalhousie, responsable d’une revue d’éthique appliquée en plein cœur d'Edimbourg, et des questionnements moraux que sa vie quotidienne l'amène à se poser. Une très grosse partie du livre est d’ailleurs construite autour de sa relation avec sa nièce, Cat, et des hommes qui partagent sa vie. La chute mortelle à laquelle elle assiste, un soir à l’opéra, la pousse à assouvir sa curiosité et la conduit, de fil en aiguille, à mener sa propre enquête. Le livre terminé, et une fois ces premiers étonnements passés, on se surprend à avoir néanmoins passé un agréable moment de lecture. Les points évoqués ci-dessus étant sans doute dû au fait que ce livre se trouve être le premier d’une longue série de livres, l’auteur insistant sans doute un peu trop sur les fondements qu’une pareille entreprise représente. L’enquête en devient ainsi secondaire, au profit de longs développements centrés autour d’Isabel Dalhousie et de sa vie. Cela étant dit, les questionnements moraux auxquels se confronte la philosophe, sans être d’une profondeur déconcertante, et bien qu’un peu trop présents, restent accessibles et rendent cette lecture globalement sympathique. On notera également la résolution finale de l’enquête qui offre un dilemme éthique en guise d’ouverture. Sans être marquant, ce livre reste charmant et plein d’humanité. De quoi laisser une autre chance à Isabel Dalhousie si d’aventures je tombe sur le second volet de cette série de livres.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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