top of page
Photo du rédacteurMax

Un(e)secte - Maxime Chattam (2019)

Bien que très classique, ce thriller est tout de même extrêmement bien mené et nous offre un agréable (et angoissant) moment de lecture.


 

Un(e)secte, Maxime Chattam, Albin Michel (2019)

Et si tous les insectes du monde se mettaient soudainement à communiquer entre eux ? À s’organiser ?

Nous ne survivrions pas plus de quelques jours.

Entre un crime spectaculaire et la disparition inexpliquée d’une jeune femme, les chemins du détective Atticus Gore et de la privée Kat Kordell vont s’entremêler. Et les confronter à une vérité effrayante.

Des montagnes de Los Angeles aux bas-fonds de New York, un thriller implacable et documenté qui va vous démanger.

 

Voici venu le temps de vous parler de l'un de mes auteurs favoris, un écrivain qui m’accompagne depuis de nombreuses années maintenant. Dès la sortie de son premier livre, L’âme du mal en 2002, livre qui l’a presque immédiatement propulsé sur le devant de la scène, Maxime Chattam est rapidement devenu l’un des maîtres incontestés du thriller français, aux côtés d’autres références du genre comme Jean-Christophe Grangé, Bernard Minier ou encore Franck Thilliez par exemple. Si, au fil des ans, il a su développer une bibliographie aussi riche que dense, sortant chaque année ou presque un nouveau roman et s’aventurant le temps d’une saga (Autremonde) dans la fantasy, Maxime Chattam a su se faire une place privilégiée dans un genre pourtant extrêmement codifié. Entre nécessité de construire une intrigue particulièrement bien ciselée et besoin de doser au mot près un suspense qui se doit d’être intense, les nombreux aficionados du thriller vous diront, je crois, qu’il existe une “patte” Chattam. Mais quelle est-elle ? En quoi un livre de Maxime Chattam représente-t-il une valeur sûre et une promesse de passer un agréable (mais souvent inquiétant) moment de lecture ? C’est ce que nous allons essayer de voir à travers ce très bon thriller, Un(e)secte !


Paru fin 2019 et acheté courant 2020, il m’aura fallu près d’un an pour oser l’ouvrir. Pourquoi une telle attente ? Par peur, par crainte d’être déçu peut-être ? Que nenni ! Par coquetterie dirons-nous sans doute, tant savoir qu’il y a un livre passionnant qui nous attend peut être agréable. Par défi aussi. Car, tout simplement, je souhaitais pour une fois (la seule et unique fois en ce qui concerne un livre de Maxime Chattam) prendre mon temps pour le lire. J’ai trop souvent été happé par ses romans pour ne pas savoir qu’à l’instant où je l’ouvrirais je ne pourrais le lâcher qu’une fois terminé. Ainsi, en ayant conscience de mon appétence pour les thrillers (et ses thrillers en particulier), et en sachant que j’allais indéniablement dévorer ce roman, une page en entraînant une autre jusqu’à devoir le refermer définitivement, pourquoi ne pas essayer de repousser l’échéance, ne serait-ce que pour ce livre au moins ?


Le monde était un patchwork infini et bouillonnant d’apparences, cimenté par-derrière avec nos névroses, nos excès, nos peurs et nos démons.

C’est grâce à cette modeste ambition que j’ai réussi à tenir jusqu'à très récemment, où ma curiosité a fini par l’emporter. En relisant la quatrième de couverture, mon enthousiasme à même repris l’ascendant. Car, en effet, un thriller mettant au cœur de son intrigue des insectes a de quoi surprendre, n’est-ce pas ? En ce qui me concerne, cela a suffit pour vouloir en savoir plus et, finalement, pour lire ses premières pages…


Chattam dans toute sa noirceur


Une fois refermé, le sentiment qui m’habitait était celui auquel je m’attendais : la satisfaction. Cette fois-ci encore, Maxime Chattam nous a délivré un très bon thriller. Dans ce livre, on retrouve tous les ingrédients qui ont fait son succès, aussi nécessaires qu’inévitables, et sur lesquels se fondent ce genre. Comme je l’ai dit en amont de cette chronique, le thriller est un genre extrêmement codifié, sans doute l’un de ceux qui possèdent le plus volumineux cahier des charges. Ici encore, on retrouve ce qui fait le charme de cette littérature et qui séduit tant de lecteurs : meurtre spectaculaire et, de prime abord, incompréhensible, enquête policière captivante (ou, devrais-je plutôt écrire, enquêtes policières comme il s’agit ici de deux histoires d’abord menées en parallèle qui finissent par se rejoindre), personnages torturés, noirceur de l’intrigue, bref autant de passages obligés qui ont fait du thriller un des genres littéraires les plus appréciés de notre époque. Au fond, Un(e)secte est, je crois, d’un très grand classicisme.


Ce n’est pas compliqué d’être discret au royaume de l’indifférence.

Mais ne vous y trompez pas ! Je ne suis pas en train de dénigrer le propre de tout bon thriller, chose que respecte ce roman. Loin s’en faut. Il y a quelque chose de rassurant à savoir qu’un roman correspond à ses attentes et qu’il tient toutes ses promesses. Surtout lorsque sa structure respecte une véritable cohérence et que tout s’imbrique à la perfection. Or, si Maxime Chattam est si réputé en matière de thriller, c’est bien pour l’attention presque obsédante qu’il accorde aux détails et à la précision quasi chirurgicale avec laquelle il conçoit ses intrigues. Ici, une fois encore, il démontre toute sa virtuosité pour nous livrer un thriller efficace et… dérangeant.


Dérangeant parce Maxime Chattam aime jouer avec nos peurs. Il le dit lui-même dans ses interviews d’ailleurs. Peut-être que, bien plus que de jouer avec nos peurs, il joue d’abord avec les siennes. Ce qui se ressent à la lecture de ce livre. Qui n’a jamais eu peur d’un insecte, quel qu’il soit ? D’un scarabée ou d’une guêpe ? Ou bien n’a jamais été perturbé à la vue d’une araignée ? Qui ne sait jamais imaginé submergé par une vague d’innombrables insectes ? Bon, d’accord, j’exagère sans doute un peu, certes, mais ce livre nous oblige à porter un autre regard sur ces petites bêtes…


Il aimait cette musique pour ça aussi, sa capacité à faire remonter ce qu’il avait de plus nostalgique, de plus fragile, une émotion primaire dont il ne captait pas bien le sens lui-même, un lien entre la cruauté de la vie et l’implacable terreur de la mort.

Pour revenir à nos peurs et à celles que met en exergue ce livre, force est de constater que Maxime Chattam s’y prend parfaitement pour nous affoler. Comme à son habitude, il n’a pas son pareil pour imaginer des scènes d’horreur. On sent évidemment toute l’influence de Stephen King dans son imaginaire. D’ailleurs, et je crois qu’il s’agit là d’une de ses meilleures scènes d’introduction, parfaitement cinématographique et incroyablement bien écrite, l’ouverture de ce livre est tout bonnement fascinante. Fascinante et terrifiante. Comme l’annonce justement la quatrième de couverture, imaginer que tous les insectes en viennent à s’en prendre à nous, pauvres humains qui ne représentons pas grand chose, est une hypothèse qui fait frémir, et qui est parfaitement mise en scène dès les premières pages. En revanche, en ce qui concerne ce thème précisément (peut-être est-ce là un sentiment que je suis le seul à partager), mais la suite du roman, s’il est composé de nombreux autres passages du même type, m’a tout de même laissé un goût d’inachevé. Comme si l’auteur s’était un peu bridé et n’avait pas pu/voulu aller plus loin dans la description de ses scènes d’horreur. Ou peut-être est-ce simplement que cette scène d’introduction a mis la barre trop haut d’entrée… Toujours est-il que ce roman nous offre une bonne dose d’émotions fortes, et c’est déjà beaucoup.


Des personnages extrêmement bien construits


Un autre aspect particulièrement intéressant lorsqu’on se penche sur la bibliographie de Maxime Chattam, et ce roman en est encore le parfait exemple, relève de l’excellente qualité de ses personnages. Tous les amateurs de Maxime Chattam vous le diront, s’il y a bien une facette de son écriture qui est singulièrement remarquable, c’est bien le fort attachement que ses personnages principaux soulèvent chez ses lecteurs. Que ce soit Joshua Brolin, Ludivine ou Guy de Timé pour ne citer que les plus emblématiques de sa bibliographie, chacune des personnalités qu’il met en évidence dans ses livres deviennent emblématiques. Et ici, Atticus et Kat ne dérogent pas à la règle. Et si tous les deux nous livrent leur fragilité, leur part de noirceur aussi parfois, c’est avant tout leur solitude qui nous marquent et qui, d’une certaine façon, contribuera à les rassembler. De nouveaux personnages rafraîchissants dans l’univers de Maxime Chattam.

Nous préférons accuser les politiciens de ne pas réussir collectivement ce que nous ne faisons déjà pas individuellement, et notre unique espoir réside en une science qui n'est ni coordonnée, ni financée convenablement et qui, de toute manière, ne serait qu'un moyen détourné de ne pas assumer nos responsabilités.

En revanche, si je suis un grand amateur de l’écrivain et de sa bibliographie en général, force est de constater qu’Un(e)secte n’est pas son meilleur roman. La faute à un classicisme qui, comme je l’ai dit, même s’il a quand même du bon, n’arrive pas à véritablement surprendre. Sans totalement rentrer dans les détails, il convient de noter que même si le titre représente un assez judicieux jeu de mots, il renferme en lui-même toutes les grandes lignes de l’intrigue. Et passé le premier tiers du livre, moment où tout commence à se mettre en place dans l’esprit du lecteur, le reste du roman ne sera qu’une confirmation de ce à quoi on s’attendait. Dommage. Pour finir, j’aimerais relever un petit détail qui commence à se répéter sous la plume de Maxime Chattam et qui tend à de plus en plus à m'agacer : une certaine forme de démagogie. Je l’avais déjà remarqué dans Le Signal (2018), dans une moindre mesure certes, mais j’ai trouvé cet aspect particulièrement frappant ici. Si l’une des grandes vertus de l’écrivain réside dans sa capacité à traiter de l’actualité et de thématiques sociétales à travers ses thrillers, il me semble que, dans ce livre en particulier, l’auteur nous livre des idées, ou du moins des éléments de langage qui, bien que mise dans la bouche ou dans la tête de ses protagonistes, n’en restent pas moins redondants dans le discours médiatique et populaire actuel et, au fond, assez fades. Je pense notamment aux attaques contre les élites et les fameuses GAFAM, à la lutte contre le changement climatique, etc… Si Maxime Chattam semble vouloir (et c’est bien légitime lorsqu’on écrit des thrillers ancrés dans le réel) se faire l’écho de notre modernité, il me semble que dans ce roman en tout cas, l’essai se révèle assez peu concluant. Ces réflexions, qui motivent pourtant bon nombre de personnages dans ce livre, se révèlent assez plates et n’arrivent pas à donner une texture et une densité suffisantes pour attirer véritablement mon attention. Preuve en est la faiblesse de l’antagoniste principal et de l’intérêt que ses justifications suscitent chez nous, presque inexistant pour ma part. Bref, cet élément là est encore plus dommage.


En fin de compte, Un(e)secte est tout de même un excellent thriller. Comme souvent avec Maxime Chattam, ce livre renferme tout ce qui me plait dans ce genre : personnages aussi emblématiques que complexes (Atticus est franchement intéressant), intrigue très bien ficelée, suspense total, passages parfois très angoissants (les insectes en sont souvent à l’origine évidemment)... Bref, ce roman m’a fait passer un agréable moment de lecture. Comme toute la bibliographie de Maxime Chattam, on a ici affaire à un roman parfaitement bien mené. Néanmoins, si je suis bien conscient qu’il est difficile de surprendre dans un genre extrêmement codifié comme l’est le thriller, il me semble que ce livre relève d’un grand classicisme, presque un peu trop en réalité. En effet, passé le premier tiers du livre, plus rien ne m’a surpris ou presque. Le titre de ce roman, bien que très original, est sans équivoque et en dit peut-être plus qu’il ne le devrait… Enfin, dernière remarque qui concerne de manière générale l’auteur (dont je suis pourtant un très grand amateur) : depuis quelques romans il me semble qu’une certaine forme de démagogie habitent ses livres. Sans doute ai-je tort, mais ici cela m’a particulièrement frappé : les idées qui sous-tendent et motivent certains personnages, sont, je crois, foncièrement éculées et très peu développées. Les attaques contre les élites ou l’urgence de la lutte contre le changement climatique n’ont rien d'original et n’apportent pas grand chose à ce roman. Preuve en est la faiblesse de l’antagoniste, dont les motivations sont, au fond, assez vides. Dommage. Mais finalement, malgré ces quelques bémols, ce roman est particulièrement réussi et saura convaincre tous les amateurs du genre. Un bon thriller.


📖📖📖

Comentários


“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

bottom of page