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Un Animal sauvage - Joël Dicker (2024)

Photo du rédacteur: MaxMax

Un roman particulièrement efficace, qui nous tient en haleine tout du long. Pourtant, un brin décevant tout de même.

Un roman captivant et efficace mais qui laisse un sentiment d'inachevé
 

Un Animal sauvage, Joël Dicker, Rosie & Wolfe (2024)

2 juillet 2022, deux malfaiteurs sont sur le point de dévaliser une grande bijouterie de Genève. Mais ce braquage est loin d'être un banal fait divers...

Vingt jours plus tôt, dans une banlieue cossue des rives du lac Léman, Sophie Braun s'apprête à fêter ses quarante ans. La vie lui sourit. Elle habite avec sa famille dans une magnifique villa bordée par la forêt. Mais son monde idyllique commence à vaciller.

Son mari est empêtré dans ses petits arrangements.

Son voisin, un policier pourtant réputé irréprochable, est fasciné par elle jusqu'à l'obsession et l'épie dans sa vie la plus intime.

Et un mystérieux rôdeur lui offre, le jour de son anniversaire, un cadeau qui va la bouleverser.

Il faudra de nombreux allers-retours dans le passé, loin de Genève, pour remonter à l'origine de cette intrigue diabolique dont personne ne sortira indemne. Pas même le lecteur.

 

Révélé en 2012 avec son deuxième roman qui a obtenu le Grand prix de l’Académie française, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, Joël Dicker est devenu en l’espace d’un peu plus d’une décennie un véritable phénomène dans le monde du livre. Chacune de ses nouvelles parutions se vendent désormais à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires en France, faisant de lui un véritable auteur de romans populaires. Au fil de ses écrits, l’écrivain suisse a su se forger un style que ses admirateurs sont heureux de retrouver dans la plupart de ses récits : enquête policière, allers-retours entre le passé et le présent, maîtrise totale de sa construction narrative et, évidemment, suspense. Car on ne peut lui retirer sa fabuleuse habileté à captiver dès les premières pages ses lecteurs, pour ne les (re)lâcher qu’ à la toute fin de son intrigue. 


Mais les concours de circonstances sont drapés d’apparence.Et il faut se méfier des apparences.

Son nouveau roman, Un animal sauvage, ne déroge pas à la règle. Cette intrigue, conçue autour d’un braquage, met sur le devant de la scène deux couples : Sophie et Arpad Braun, couple aisé à qui tout sourit ; Greg et Karine Liégean, couple de la classe moyenne. Ils sont voisins, ne se connaissent que par l’entremise de leurs enfants avant que l’anniversaire d’Arpad, auquel sont invités les Liégean, ne finissent par les rapprocher. Depuis, Greg a développé une attirance malsaine pour Sophie, l’épiant dès qu’il le peut. En parallèle, derrière les apparences que les Braun tente de conserver, leur couple repose sur des mensonges et secrets qui vont finir par les tirailler. Jusqu’à les conduire inévitablement au jour du braquage…


Alors, ce nouveau roman de Dicker est-il à la hauteur du phénomène littéraire qu’il est devenu ? Quelques réponses ci-dessous !


Une mécanique ultra-maîtrisée… peut-être trop


Le style Dicker, c’est peut-être avant tout sa capacité à créer des intrigues si haletantes que le lecteur ne peut lâcher le livre qu'une fois terminé. Et ce nouveau roman ne déroge pas à la règle. Fidèle à la construction narrative qu’il use (et parfois abuse) à chacun de ses livres, Dicker aime plonger son lecteur dans des allers-retours incessants entre le passé et le présent de ses personnages. 


Le grand avantage que présente cette technique est sans nul doute la possibilité qu’elle offre à son auteur de poser d’entrée de jeu une situation si mystérieuse, si captivante (ici un braquage, dont on ignore encore les auteurs et leur mobile) qu’elle happe en quelques pages la curiosité de ses lecteurs. Les questions qui taraudent ensuite le lecteur sont simples, mais ô combien efficaces : qui sont les malfaiteurs ? Pourquoi avoir choisi de braquer cette bijouterie ? Quelles sont leurs motivations ? De quoi donner envie de tourner les pages du roman à un rythme effréné.


Ainsi, en quelques pages seulement, Dicker s’assure de tenir en haleine ses lecteurs tout au long de son livre. Puis viennent ensuite les chapitres courts, incisifs, qui permettent de dresser le tableau des personnages qui seront au cœur du braquage. Couplés à de nombreux retours en arrière, dix, quinze ans plus tôt, passages qui permettent (le plus souvent) de lever une partie du voile qui entoure la vie de Sophie et d’Arpad avant cet été de 2022, la construction du récit permet de faire monter crescendo la tension jusqu’à la révélation finale. 


Et que peut-on contre des sentiments ? Ils sont notre seule vraie liberté.

Ce livre, donc, ne déroge pas à la règle. Une fois encore, Dicker nous plonge dans une intrigue à la mécanique bien huilée. Peut-être trop. Certes, il est indéniable que ce nouveau roman, Un Animal sauvage, est diablement efficace, tout bonnement réussi si l’objectif de ce livre tient à divertir autant qu’à créer un suspense total qui ne peut qu’inciter ses lecteurs à lire ce roman d’une traite ou presque (ce qui a été mon cas). 


Pourtant, force est de constater qu’ici, cette mécanique est un peu trop visible. Certains chapitres, au fond, n'apportent pas grand chose au récit, semblent n’avoir été écrit que pour retarder l’échéance. Dicker maîtrise à la perfection la construction narrative de ses romans, mais, sans doute, délaisse un peu trop celle de ses personnages.


Tout pour l’intrigue


Ce roman nous présente donc deux couples fondamentalement différents. Arpad, banquier, et Sophie, avocate d’affaires, viennent d’avoir quarante ans et semblent filer le parfait amour. Ils vivent dans une Maison de verre, ultramoderne, dans une banlieue chic de Genève. Si Greg et Karine vivent à proximité, leur train de vie et tout autre. Ils vivent dans une maison mitoyenne, dans une rue que la haute société des alentours appelle la Verrue : preuve que leur présence détonne dans le quartier. Quant à leur couple, s’ils ont aussi deux enfants, il n’est pas aussi épanoui que celui des Braun. Greg est flic dans un groupe d’intervention, Karine est vendeuse dans une boutique du centre ville de Genève. Et la passion de leurs débuts semble avoir disparu, minée par le quotidien de leur vie. Alors quand Greg finit par faire plus ample connaissance avec Sophie, il en vient à développer une véritable obsession pour elle.


Karine se demanda alors qui on pouvait admirer et détester quelqu’un pour les mêmes raisons : c’était la définition même de la jalousie.

Au gré des événements, les deux couples vont finir par se rapprocher : Karine et Sophie devenant de véritables amies, Greg faisant tout son possible pour s'immiscer dans l’intimité du couple Braun. Jusqu’à découvrir leurs secrets.


Si Joël Dicker donne une importance capitale à la construction de ses personnages, il apparaît assez rapidement, une fois le premier tiers du livre passé et la mise en place des différentes dynamiques propres à chacun posées (tiers du livre plutôt plaisant et intéressant), qu’il en a déjà fait le tour. Comme s’il avait déjà tout dit sur eux, ou du moins l’essentiel. Le reste du livre donne la sensation que leur développement est devenu purement utilitaire, servant uniquement à imbriquer les secrets et retournements de situation les uns dans les autres en prévision du dénouement. 


Encore une fois, la lecture de ce livre est particulièrement plaisante et palpitante, et on ne peut refermer ce livre qu’en reconnaissant avoir passé un bon moment en sa compagnie. Pourtant, il subsiste à la fin un sentiment curieux, comme si Joël Dicker avait réussi son boulot, à savoir nous tenir en haleine pendant les plus de quatre cents pages de ce roman, tout en se contentant d’en rester là. Son roman est un vase clos, qui ne nous offre aucune perspective, aucun élément auquel se rattacher une fois le livre refermé. Ne reste qu’un agréable moment de lecture. Or il nous avait habitués à mieux, notamment avec son livre phare, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, qui, me semble-t-il, avait une consistance toute autre. Un brin dommage tout de même.


J’ai voulu faire d’une panthère un chien de salon. Or, les animaux sauvages sont comme les hommes. On peut les amadouer, les grimer, les déguiser. On peut les nourrir d’amour et d’espoir. Mais on ne peut pas changer leur nature.

Avec Un Animal sauvage, les fans de Joël Dicker (et tous les lecteurs avides de romans captivants) seront ravis de retrouver les éléments qui en ont fait un véritable phénomène littéraire : roman policier, intrigue complexe dans laquelle le passé et le présent s’entremêlent, construction narrative ultra-maîtrisée, suspense. Il est vrai que Dicker est devenu un maître en la matière, arrivant dès les premières pages de ses romans à saisir la curiosité de ses lecteurs pour ensuite les tenir en haleine tout au long de son intrigue. Et ce nouveau livre ne déroge pas à la règle. Arpad, Sophie, Greg, Karine et les secrets qu’ils cachent tous derrière leurs apparences de couples modèles sont suffisamment bien construits pour faire de ce livre un agréable moment de lecture. Une fois plongé dans leur histoire, les pages se succèdent à un rythme effréné jusqu’à la fin et au dénouement tant attendu. De ce point de vue, ce livre est une vraie réussite. Pourtant, force est de constater qu’une fois ce roman terminé, un drôle de sentiment subsiste : celui d’avoir passé un excellent moment de lecture, auquel se mélange une étrange frustration. Comme si la mécanique narrative si bien huilée de Dicker trouvait ici sa limite. Si le premier tiers du livre était vraiment passionnant, posant de manière plutôt réussie les dynamiques de ses personnages, la suite semble avoir été conçue uniquement à des fins utilitaires : faire durer le suspense, même s’il n’y a plus rien à raconter ou presque sur ces deux couples. Le reste du livre devient ainsi une sorte de vase clos, exclusivement tourné pour l’intrigue, n’offrant aucune perspective, aucun élément auquel se raccrocher une fois le roman terminé. Un très bon livre, un poil décevant tout de même.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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