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Personne ne doit savoir - Claire McGowan (2019)

  • Photo du rédacteur: Max
    Max
  • 12 oct.
  • 6 min de lecture

Bien que reposant sur quelques stéréotypes évitables, ce thriller maîtrisé est une vraie réussite : faux-semblants, secrets et mensonges sont au rendez-vous.

Un thriller haletant qui nous plonge aux côtés d'Alison dans une véritable descente aux enfers...

Personne ne doit savoir, Claire McGowan, Editions Hauteville, 2023 (2019)

Et si on parlait du bon vieux temps ?

Alison organise une réunion d’anciens camarades d’Oxford pour fêter une amitié longue d’un quart de siècle. Entre-temps, elle s’est mariée avec Mike, avocat d’affaires, dont elle a eu deux enfants. Elle vit dans la maison de ses rêves dans le Kent. Elle a réussi sa vie, et elle a bien l’intention d’en faire la démonstration lors de ces retrouvailles.

Mais la fête vire au drame lorsque Karen, la meilleure amie d’Alison, fait irruption dans la maison, en état de choc. Elle affirme que le mari d’Alison l’a violée. Mike jure qu’il est innocent. À qui se fier ? Ce douloureux épisode fait resurgir les plus sombres souvenirs de leurs années de fac. Et certains sont prêts à tuer pour que ces souvenirs restent des secrets bien gardés.

Claire McGowan est née en Irlande du Nord en 1981. Elle s’est d’abord destinée au métier de journaliste avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Auteure de nombreux thrillers psychologiques, c’est avec Personne ne doit savoir (titre original What You Did, 2019) qu’elle se fait véritablement découvrir en France. C’est de ce livre dont il sera question ici.


Publié en français par les éditions Hauteville, ce roman déploie un cadre très contemporain — la vie de couple, la carrière, la maternité — auquel se mêle une terrible tragédie qui va tout remettre en question.


Il y a ce sentiment quand le pire s’abat sur vous et que votre monde s’écroule, et que vous parvenez sans savoir comment à vous rattraper et à vous stabiliser. Il y a un autre sentiment, quand vous découvrez soudain que ce n’était pas le pire, loin de là.

Quand tout vole en éclat


L’intrigue s’ouvre sur une réunion d’anciens camarades d’Oxford organisée par Alison, qui mène une vie qu’elle considère comme exemplaire : un mariage, deux enfants, une maison de rêve dans le Kent. Vingt ans après leur diplôme, les voici réunis dans ce qui s’annonce comme une soirée des plus ordinaires entre vieux amis.


Néanmoins, rapidement, tout tourne au drame : Karen, la meilleure amie d’Alison, fait irruption à trois heures du matin dans la cuisine, en état de choc, faisant une accusation grave : Mike, le mari d’Alison, l’aurait violée. Lui clame son innocence. Alison, qui œuvre dans une association liée aux violences psychologiques ou sexuelles, se retrouve prise dans un dilemme moral : croire sa meilleure amie ou défendre son époux.


Au fil du récit, le passé refait surface — un incident non élucidé, des relations de fac, des secrets enfouis —, et les alliances se fissurent. McGowan nous plonge ici dans la peau d’une femme qui voit sa vie s’effondrer sous ses yeux. Alison, qui n’avait que des certitudes (sa famille, ses amis, son engagement), se trouve rapidement plongée dans une véritable descente aux enfers. Son mari, ses amis, ses souvenirs… Et si rien ni personne ne disait la vérité ?


C’était une vérité que j’ignorais à mon sujet, cette capacité obstinée à me voiler la face ; je croyais être du genre à bondir pour chercher du secours, alerter la police, préparer un thé sucré pour réconforter la victime, l’aider à se remettre du choc.

Quand un dilemme moral s’impose


Dès les premières pages, Alison se voit contrainte de faire un choix, et pas n’importe lequel : qui croire ? Sa meilleure amie qui accuse de viol l’homme avec qui elle vit depuis plus de vingt ans ; ou son mari, qui clame son innocence ? Choix cornélien pour celle qui a fait de son engagement féministe et de sa défense des femmes victimes de leur mari un véritable combat.


Pendant toutes ses années, Alison pensait vivre du bon côté de la barrière. Dans la vie qu’elle s’était construite, sa vision du monde était des plus manichéennes : il y avait les bons d’un côté, et les méchants de l’autre. Mais lorsqu’un drame en vient à écraser de toute sa réalité la bulle dans laquelle elle vivait, la complexité humaine ne peut que s’imposer à elle. D’autant plus que c’est sa vie qui en est intimement impactée.


Tiraillée entre son amitié de longue date avec Karen et son mariage avec Mike, difficile de faire un choix. Mais si les premiers jours après cette déflagration sont vécus à travers le prisme de la sidération, de l’impuissance et de la passivité, Alison doit vite se reprendre. Non seulement pour elle, mais également pour ses enfants. Et c’est en pensant à eux que de nouvelles variables s’imposent dans ce dilemme : que faire pour les protéger ? Qu’est-ce que cela implique ? Doit-elle laisser ses certitudes de côté pour faire ce qu’il faut pour ses deux enfants ?


C’est peut-être ici que se dresse à la fois l’intérêt de ce livre, mais également ses quelques limites. Si le postulat de départ (à savoir une femme engagée pour la protection des femmes abusées par leur conjoint qui se trouve directement impliquée dans un viol), peut paraître un brin facile, le développement donné à Alison dans ce livre se trouve être particulièrement intéressant. Bien que certains passages soient un peu rébarbatifs en ennuyeux (notamment, pour ma part, ceux souvent longs durant lesquels Alison se plaint de sa situation), la façon dont Claire McGowan arrive à décrire sa descente aux enfers est, somme toute, très prenante.


Un thriller percutant


Si ce terrible dilemme moral représente la vraie particularité de ce roman, il ne doit pas pour autant faire oublier le talent indéniable de McGowan pour le thriller. Le cadre dans lequel se joue ce drame est pourtant très classique. Une réunion d’amis qui vire au drame, chacun veillant scrupuleusement à garder ses secrets, rien de vraiment nouveau.


Néanmoins, le rythme donné à ce récit est une vraie réussite. Les révélations sont distillées au compte goutte, envoyant le lecteur sur de nombreuses fausses pistes. D’autant plus que nombre d’entre elles sont liées à la mémoire, aux souvenirs de cette soirée lors de laquelle Karen a été violée, mais également ceux du bal de fin d’année vingt ans plus tôt. Et l’on sait à quel point les souvenirs peuvent être pernicieux, entre ceux pour lesquels nos sens nous jouent des tours, mais aussi ceux que l’on finit par transformer pour nous paraître plus acceptables…


La vérité dans ce genre de romans, que ce soit celle que cherche les personnages autant que celle que cherche le lecteur, se trouve souvent derrière de faux semblants, des mensonges. Claire McGowan joue avec elle à la perfection. Une fois plongée dans la vie de ces six amis, difficile de lâcher le livre tant la tension est palpable, la lecture prenante.


Nous voulons connaître les secrets jusqu’au moment où nous croulons sous leur poids.

Des thématiques contemporaines


Si ce thriller est si agréable à lire, c’est aussi parce qu’il s’attache à développer des thématiques très contemporaines. Le livre interroge ce que signifient l’amitié et le mariage quand les intérêts personnels, les apparences, la réussite sociale entrent en jeu. Alison veut montrer sa réussite, mais cela pèse sur ses choix, ses loyautés. Le fait qu’elle œuvre dans une association de victimes rend plus aigu le dilemme moral : ses convictions publiques, privées, ses engagements entrent en collision.


Le concept de famille, qui est toujours bien présent dans nos sociétés actuelles, est aussi au cœur de ce roman. A travers tous les drames que met en lumière le récit, des questions substantielles finissent par s’imposer aux personnages comme au lecteur : ce concept de famille est-il sacré ? Doit-on tout sacrifier pour garder sa famille intacte ? Pour ses enfants ?


Au fond, ce sont ces questions qui portent le dénouement final, ou plutôt les dénouements. Car Claire McGowan est suffisamment talentueuse pour clôturer son récit avec deux ultimes rebondissements. Si le premier a été, pour ma part, une surprise, il n’en reste pas moins un peu décevant : à l’image du cliché qui introduit l’enjeu de ce roman (une femme engagée qui voit ses convictions mises à mal par cette fameuse soirée), la résolution de ce récit repose lui aussi, sur un stéréotype. Un brin dommage.


En revanche, tout le talent de McGowan s’exprime dans l’ultime révélation qu’elle glisse, en guise d’épilogue, à la toute fin du roman. Une vraie claque qui laisse un drôle de sentiment, un mélange d’affreux cynisme et d’immense gachi…


Personne ne doit savoir est, en somme, un thriller psychologique particulièrement efficace et prenant. Bien qu’il repose en partie sur quelques stéréotypes évitables, une fois plongée aux côtés d’Alison dans ce qui s’apparente à une longue descente aux enfers, difficile de lâcher ce livre. On sent toute l’expérience et le talent de Claire McGowan tout au long du récit, les révélations tombant aux compte goutte, nous menant à chaque fois ou presque vers des fausses pistes. Si Alison peut sembler parfois un brin agaçante, le dilemme moral auquel elle est confrontée et la façon dont le développement donné à son personnage la pousse dans ses retranchements donne un intérêt certain à ce roman. Les amateurs du genre apprécieront sans nul doute ce livre.


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Commentaires


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