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Los Angeles Nostalgie - Ry Cooder (2011)

Photo du rédacteur: MaxMax

Avec ces huit récits, Ry Cooder nous offre un voyage musical et littéraire dans le Los Angeles des années 1940-1950.

Un recueil de nouvelles empreint de musique qui nous plonge au coeur du Los Angeles des années 1940-1950
 

Los Angeles Nostalgie, Ry Cooder, Les Belles Lettres, 2024 (2011)

Dans ce premier recueil de nouvelles, Ry Cooder explore les bas-fonds de Los Angeles comme l’ont fait jadis le Philip Marlowe de Raymond Chandler, le Sam Spade de Hammett ou le Lew Archer de Ross MacDonald. Mais fidèle à ses racines de musicien, il en profite pour rendre hommage au jazz, au blues et aux rythmes latinos d’une époque révolue. Il honore ainsi une certaine « famille » de musiciens certains assassinés et d’autres encore vivants en décrivant leurs poignantes existences. John Lee Hooker et Charlie Parker apparaissent au détour d’une page. Le plus souvent, les personnages de Cooder sont de parfaits inconnus, des « petites » gens. Ils sont guitaristes, batteurs, chanteurs dans des night-clubs californiens ou bien arnaqueurs, serveurs, mécaniciens. Les lecteurs de Cooder aimeront le mélange des genres entre musique et crimes car ses histoires ressemblent à ses chansons : elles vous prennent à la gorge calmement mais sans jamais desserrer prise. Cooder est un historien de Los Angeles passionné qui se concentre sur ceux qui ont élu domicile pour la vie à L.A. Son livre est le portrait d’une ville (le Los Angeles des années 1940-1950) qui a disparu au profit d’une mégapole tentaculaire. Les deux dernières lignes résument cette ville-personnage qui n’en finit pas de se réinventer : « Los Angeles était bien la ville du jour meilleur, quelque chose de bon allait sûrement se produire. »

 

Les fans de musique blues, de folk et de rock connaissent sans doute Ry Cooder. Classé 66ème dans le classement du magazine Rolling Stone des meilleurs guitaristes de tous les temps en 2023, le natif de Los Angeles est l’une des grandes figures du blues américain depuis les années 1960. Si la musique occupe la majeure partie de sa vie, Cooder s’est pourtant lancé en 2011 dans la littérature en sortant ce recueil de huit nouvelles.


Depuis longtemps, la Cité des Anges fait le bonheur de la culture américaine et mondiale. Ville de tous les possibles, de tous les contrastes aussi, elle est devenue au fil des décennies le décor de bon nombre de romans, films, séries, chansons… Bref, on ne compte plus les œuvres qui s’inspirent de l’ambiance si particulière de Los Angeles.


Avec Los Angeles Nostalgie, Ry Cooder se propose de nous faire plonger dans le cœur du Los Angeles des années 1940 et 1950 : à l’opposé de celui de l’argent et de la célébrité, il se concentre sur celui des petites gens. À travers huit récits, il dresse le portrait d'une ville vibrante, où se mêlent jazz, blues et rythmes latinos, rendant hommage à une époque révolue. Loin des paillettes et du glamour de Hollywood, Cooder nous fait découvrir la face cachée de cette ville, son côté underground, peuplé de personnages hauts en couleur, oscillant entre survie et rêve américain.


Los Angeles était la Cité des Jours Meilleurs, il m’arriverait forcément quelque chose de bien.

Des histoires de marginaux


Le livre se compose de huit nouvelles, parfois interconnectées (on se surprend, au détour d’une page, de retrouver l’un des personnages d’un récit précédent, quelques années après), qui mettent en scène une galerie de personnages issus de la scène musicale et des bas-fonds de Los Angeles. 


Parmi eux, des musiciens talentueux mais désabusés, des petits escrocs en quête du coup parfait, des travailleurs immigrés, et des figures légendaires du blues et de jazz comme Billy Tipton (figure majeure du jazz des années 1950 et 1960, et sans doute l’un des premiers artistes trans de l’époque). Chaque histoire est une plongée dans le quotidien de ces âmes errantes, où la musique sert souvent d’échappatoire à une vie marquée par la précarité et la ségrégation.


Ces nouvelles, allant d’une vingtaine de pages pour la première, Train-train quotidien, à plus de cinquante pour Mon téléphone n’arrête pas de sonner, nous entraînent au coeur de l’existence misérable de ses personnages, comme celle de ce démarcheur pour l’annuaire de la ville, Frank, ou encore le jeune Mike, dont le système scolaire n’a pas voulu. Si parfois ces récits semblent un peu décousus, les personnages qu’ils mettent en scène sont si criant de vérité qu’ils nous entraînent volontiers avec eux.


Ry Cooder, en fin connaisseur du monde musical, nous emmène avec lui dans les clubs de jazz enfumés et des bars mal famés où se croisent artistes, gangsters et rêveurs. Son écriture, réaliste et immersive, donne une voix authentique à ces personnages issus des classes les plus pauvres de la ville de Los Angeles.


J’avais peut-être tort, mais je n’ai jamais pu m’y résoudre - moi, un Noir au nom italien, couper toute ma vie des costumes de charro ? Mon truc, c’est la musique ! Jazz, jump, jive, rythm and blues ! J’ai tout essayé, sans jamais exceller en rien. J’ai étudié l’harmonie, mais le son ne s’apprend pas dans un livre.

La musique comme fil conducteur


Le style de Cooder est, à bien des égards, à inscrire dans la pure veine du roman noir américain. Mais avec une sensibilité rythmique et musicale loin d’être anodine. 


Car, évidemment, c’est non sans surprise que l’on croise la musique dans chacune de ces pages ou presque. Que ce soit à travers le métier des protagonistes (guitaristes, chanteurs, batteurs…) mais également en fond sonore dans un bar délabré d’un quartier défavorisé, ou encore à travers les postes de radios des vieilles voitures qui circulent souvent la nuit, la musique est partout. Tout le temps.


Au point que la musique devient l’un des personnages principaux de ce livre. Comme un guide. On se laisse entraîner à ses côtés et on passe d’une histoire à l’autre en douceur, comme un album dans lequel l’outro d’une piste résonnerait d’une manière ou d’une autre avec l’intro de la musique suivante. 


Au fond, ce livre est comme un album concept, se proposant de nous faire découvrir à travers huit morceaux le Los Angeles miteux de cette époque.


Ici, certains jeunes ont toutes les chances de se réveiller un matin en découvrant qu’ils n’ont rien et n’auront toujours rien de rien plus tard.

Le Los Angeles de Ry Cooder : celui des plus démunis et des rebuts de la société


Le Los Angeles que nous dépeint le Ry Cooder est loin d’être à l’image de celui qui nous est souvent présenté. Ici, pas de strass ni de paillettes, pas d’argent à tire-larigot. Non, Ry Cooder brosse le portrait d’un Los Angeles que beaucoup n’aimeraient sans doute pas voir. Celui des pauvres, des vétérans, des noirs, des mexicains, des petits escrocs… bref de tous les laissés-pour-compte.


Si le titre de ce livre nous parle de nostalgie, ce qui est sans doute vrai à bien des égards tant on sent tout l’amour que Cooder a pour cette période lointaine, il n’en est pas moins lucide. Le Los Angeles des années 1940-1950 était aussi celui de la misère, de la mort, de la violence, du racisme, de la ségrégation et des discriminations en tout genre.


Par l’entremise de ce livre, Ry Cooder lance un formidable plaidoyer pour les petites gens qui ont fait l’âme du Los Angeles de cette période. La plupart des personnages mis ainsi en avant sont souvent sans le sou, subissent les sévices d’une société qui les met volontairement de côté. Les Afro-Américains et les Latinos tiennent ainsi des rôles profondément émouvants. 


Au fond, le Los Angeles que nous dépeint Ry Cooder est celui d’un incroyable melting pot où les cultures mexicaine, afro-américaine, philippine, italienne et même française se rencontrent autour d’une activité si prépondérante pour beaucoup de gens : la musique. C’est elle qui fait vivre la plupart de ses personnages, qui leur donne un but, voire une forme d’espérance. Et si la vie finit par suivre tout de même son cours, si aucun n’arrive à s’émanciper de sa condition, la musique aura au moins eu le mérite de la rendre plus supportable.


Le long de la route 66, toutes les villes sont conçues sur le même modèle. Les Blancs au nord, les gens de couleur au sud, la route au milieu.

Certains connaissent peut-être Ry Cooder de nom. Guitariste de génie, figure emblématique du jazz et du blues américain, il s’est essayé à la littérature il y a quelques années à travers ce recueil de nouvelles, Los Angeles Nostalgie, republié récemment aux Éditions Les Belles Lettres. Et, dans cet art aussi, Cooder excelle. Loin du glamour et de paillettes inhérentes à cette ville, Cooder nous propose plutôt une plongée au cœur du Los Angeles des années 1940 et 1950, celui de la misère, des laissés-pour-compte et, bien évidemment, de la musique. A travers ces huit nouvelles, c’est tout un pan underground de la ville qui se lève sous nos yeux : Afro-Américains, Mexicains, petits escrocs, vétérans… bref la galerie de personnages offerte par ces récits nous révèle un Los Angeles qui méprise les petites gens. Que ce soit Frank, l’employé de l’annuaire de la ville, ou le jeune Mike dont le système éducatif n’a pas voulu, tous sont à bien des égards à la fois originaux et éclatants malgré leur existence faite de pauvreté et de discrimination. Conçu à l’image d’un album concept comprenant huit morceaux dont Los Angeles et sa musique en sont le fondement, ce livre nous dépeint une ville dans laquelle se mélangent de nombreuses cultures : mexicaine, afro-américaine, italienne, philippine et même française. La plupart des personnages que l’on croise vivent d’une manière ou d’une autre grâce à la musique, elle qui est dans ce livre, comme un fil conducteur. Et un espoir aussi, pour beaucoup d’entre eux. Et si la vie finit par suivre tout de même son cours, si aucun n’arrive à s’émanciper de sa condition, la musique aura au moins eu le mérite de la rendre plus supportable. Un très beau livre, à lire évidemment en écoutant certains des plus grands morceaux de Ry Cooder. Merci aux équipes de Babelio et des Éditions Les Belles Lettres pour cette découverte littéraire et musicale.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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