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Incendie nocturne - Michael Connelly (2020)

Un roman noir, intense, avec une enquête haletante qui nous plonge une fois encore dans les bas-fonds de Los Angeles. Un très bon Connelly.


 

Incendie nocturne, Michael Connelly, Calmann-Lévy (2020)

À ses débuts, Bosch a eu un certain John Jack Thompson comme mentor. Un homme qui lui a appris à toujours prendre une affaire personnellement et à déployer tous ses efforts pour la résoudre. À la mort de Thompson, sa veuve confie à Bosch un dossier volé par son mari aux scellés avant sa retraite. Il s’agit d’une affaire non résolue : un jeune homme abattu dans une ruelle coupe-gorge de Los Angeles des années plus tôt.

Bosch demande l’aide de Renée Ballard, déjà fort occupée au quart de nuit à Hollywood après qu’un sans-abri a été retrouvé calciné dans sa tente. Ensemble, ils en arrivent bientôt à se poser une terrible question : le mentor de Bosch a-t-il dérobé ce dossier pour tenter de résoudre l’affaire après son départ de la police… ou pour s’assurer que la vérité ne soit jamais faite sur ce meurtre ?

 

Cela fait toujours plaisir de voir que Michael Connelly est de retour avec un nouveau livre, en particulier lorsqu’il s’agit d’une enquête de son détective favori, Hieronymus "Harry" Bosch. Et comme à son habitude, la qualité et le suspense sont au rendez-vous.


Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, sachez que Michael Connelly est une valeur sûre du roman noir et policier américain. Depuis son premier roman Les Égouts de Los Angeles (1993), il n’a eu de cesse de s’imposer sur la scène littéraire américaine d’abord, internationale ensuite. Parmi ses œuvres les plus connues, je peux citer Le Poète (1997) ou encore La Défense Lincoln (2006) qui a eu droit à une excellente adaptation cinématographique avec Matthew McConaughey. Et en parlant de cinéma, je ne peux que vous conseiller la série télé Bosch sur Amazon Prime avec Titus Welliver, qui incarne à la perfection l’inspecteur Bosch, que l’on retrouve dans ce livre. Voilà, la boucle est bouclée, passons maintenant à ce dernier roman, Incendie nocturne.


Tout le monde compte ou personne.

D’abord, je dois vous avouer que j’ai rarement été pris dès les premières pages d’un roman comme je l’ai été ici. Est-ce parce que ce n’est pas le premier livre de Michael Connelly que je lis ? Ou bien est-ce parce que j’ai encore l’univers de Bosch en tête grâce à cette fameuse série télé ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il qu’il ne m’a fallu que quelques pages pour m'imprégner une nouvelle fois de l'ambiance particulière qui hante l'œuvre de Connelly et retrouver avec plaisir Harry Bosch. Plus important encore, je me suis plongé très rapidement dans les trois enquêtes qui sont traitées ici en parallèle.


Comme souvent avec Connelly, et ce livre ne fait pas exception, plusieurs enquêtes a priori sans aucun lien entre elles sont traitées de front. Dont une qui porte sur le passé. Le fin limier qui se cache dans tout bon lecteur de roman policier est donc fortement intrigué par les meurtres dont il est question ici. Primo, pourquoi l’ancien coéquipier de Bosch, décédé depuis peu, avait-il chez lui le dossier d’un meurtre qui s’était déroulé en 1990 ? Enquêtait-il dessus ? Plus contemporain, est-ce à cause d’un incendie accidentel qu’un jeune SDF est mort brûlé dans sa tente ? Enfin, l’homme qui est jugé pour le meurtre du juge Montgomery est-il vraiment coupable ?


Beaucoup de questions, et beaucoup de meurtres que, même Bosch, aussi bon soit-il, ne peut résoudre seul. Ce fut donc avec plaisir que je découvris à ses côtés pour la première fois (en réalité, je crois qu’il s’agit de sa troisième apparition dans un roman de Connelly) l’inspectrice Ballard. Autant dire que le duo marche à la perfection. L’un est un vieux flic retraité, aux problèmes personnels qui parasitent ses investigations, tandis que l’autre est une jeune inspectrice en activité au sein de l’équipe de nuit. Deux loups solitaires apprenant à se faire confiance et qui partagent la qualité aussi nécessaire que dangereuse de ne jamais rien lâcher.


Sans ses néons et ses lumières scintillantes, Hollywood était bien différent, et Ballard le constatait nuit après nuit. N’y restaient plus que les proies et leurs prédateurs, et rien entre les deux. Alors que les nantis étaient confortablement installés derrière leurs portes fermées à double tour, ceux qui n’avaient rien erraient alentour. Ballard n’avait jamais oublié les mots d’un poète de la patrouille de nuit qui qualifiait ces derniers “d’amarantes humaines que chassent les vents du destin”.

C’est donc avec Harry Bosch et Renée Ballard que l’on plonge dans un Los Angeles loin des caricatures festives, estivales et glamour qui sont souvent faites de cette ville californienne. Car avec Connelly, c’est une ville sale, vicieuse et dangereuse que l’on découvre à chaque page ou presque. Dans ses romans, le rêve américain s’efface dans un brouillard urbain où la misère, la drogue, le meurtre et le désespoir peuplent seuls les rues. Ce sont des âmes brisées qui errent la nuit et survivent dans un Los Angeles profondément meurtri. Victimes ou bourreaux, flics ou témoins, tous les personnages de cet auteur sont aux prises avec leurs propres démons et ceux d’une société désabusée. D’une noirceur abyssale, c’est à cette ambiance particulière à laquelle on doit s’attendre lorsqu’on ouvre un roman de Michael Connelly.


Dans ce Los Angeles des bas-fonds auquel la police est sans cesse confrontée, il y a Harry Bosch. Le personnage fétiche de l’écrivain est une nouvelle fois de la partie. Comme on peut s’y attendre après plus de trente ans au sein des forces de police, Bosch est devenu un jeune retraité qui n’arrive toujours pas à raccrocher. Flic un jour, flic toujours paraît-il. Même quand il approche des soixante-dix ans, il ne peut s’empêcher de fourrer son nez dans les affaires d’une police qui ne veut plus de lui. Et ce n’est pas parce qu’il a besoin d’être toujours actif qu’il tente de résoudre des meurtres. Non, évidemment. Au fond de lui, il y a une rage qui ne s’efface pas, un feu qui jamais ne s’éteint : celui de la justice. Riche ou pauvre, jeune ou vieux, innocent ou criminel, pour lui, personne ne mérite de mourir. Il n’y a rien qui compte plus à ses yeux que de mettre les criminels derrière les barreaux. Quand bien même il doit se détourner d’une procédure toujours plus bureaucratique et d’une institution policière dont les limites sont de plus en plus visibles.


Quand tu prends une affaire personnellement, ça te fout en colère. Et ça allume un feu en toi qui te donne le tranchant dont tu vas avoir besoin pour tenir la distance.

Par métaphore peut-être, je vois ce feu-là dans le titre de ce roman. Celui d’une soif de justice qui anime sans cesse Bosch, et avec lui ici Ballard. Peut-être est-ce une sorte de passage de flambeau, mais j’ai été ravi de voir comment un “vieux de la vieille” tel que Bosch se mettait à collaborer avec une inspectrice plus jeune que lui, elle aussi marginalisée au sein de la police, et qui partage avec lui ce souci inconditionnel porté aux victimes. C’est cette motivation incroyable qui donne à ces deux personnages une humanité qui leur permet de garder la tête hors de l’eau. Malgré les horreurs qu’ils affrontent chaque jour.


Michael Connelly signe un roman dans la veine de ceux auxquels il nous a habitué depuis de longues années déjà ; procédurale, hyperréaliste et d’une noirceur accablante, cette nouvelle enquête de Bosch et Ballard a ravi l’amateur de roman policier que je suis. Toujours avec autant de suspense, nous voilà plongés de nouveau dans une ville de Los Angeles où la pauvreté, la violence et le désespoir peuplent les rues. Derrière le faste de sa renommée, c’est l’ombre d’une humanité meurtrie qui hante cette métropole californienne. Lorsque les projecteurs s’éteignent, l’envers du décor est loin d’être aussi lumineux que le glamour et le succès auxquels Los Angeles est bien trop souvent réduite. Et c’est précisément à cette image obscure que renvoient tous les personnages de Connelly : non content d’être en en prises avec ses propres démons, chacun d’entre eux se débat dans les méandres d’une société épuisée et profondément déséquilibrée. Comme à chaque fois avec l’écrivain américain, c’est dans ce contexte qu’est menée cette intrigue foncièrement haletante. Le feu qui anime Bosch et Ballard et qui les pousse à se battre inconditionnellement pour les victimes éclaire le récit d’une douce lueur humaine. C’est grâce à ce léger espoir et à un suspense toujours aussi efficace que j’ai refermé ce livre avec l’agréable sensation d’avoir lu un excellent roman policier.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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