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Les Mystères de Paris (T 1) - Eugène Sue - (1842-1843)

Photo du rédacteur: MaxMax

Le premier tome des Mystères de Paris, un roman-feuilleton captivant qui nous offre une palette de personnages aussi intéressants que fascinants. À lire absolument.

Le premier tome d'un roman-feuilleton qui nous tient en haleine jusqu'au bout
 

Les Mystères de Paris, tome 1, Eugène Sue, Editions 10/18, 2023 (1842-1843)

Paris, 1838.

Dans les ruelles sombres de la Cité, Fleur-de-Marie, une jeune fille innocente, tente d’échapper à un brigand. C’est alors qu’un mystérieux inconnu - le prince Rodolphe déguisé en ouvrier - vote à son secours.

Réconciliés, tous trois se retrouvent dans la taverne du Lapin-Blanc et partagent leurs histoires. Mais dans l’ombre, le danger guette…

Véritable triomphe dès leur parution en 1842, Les mystères de Paris dépeignent la noirceur et les espoirs d’une époque, à travers le destin de personnages inoubliables.

 

Eugène Sue (1804-1857) est un écrivain français du XIXème siècle, aujourd’hui tombé doucement dans l’oubli. Pourtant, son succès fut tel qu’il est, pour beaucoup de ses contemporains, l’un des écrivains les plus marquants de cette période. Figure majeure du roman-feuilleton (roman, populaire par excellence puisqu’ils étaient publiés par morceaux dans les journaux de l’époque), ses nombreuses productions tinrent les Français de son temps en haleine. il a contribué à populariser le grand roman populaire, préfigurant ainsi à sa manière Les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas par exemple. Parmi les oeuvres les plus marquantes d’Eugène Sue, nous pouvons citer : Kernok le pirate (1830), Le Juif errant (1844-1845) et, bien sûr, Les Mystères de Paris (1842-1843), dont le succès populaire fut si impressionnant qu’il fit dire à Théophile Gautier « Tout le monde a dévoré Les Mystères de Paris, même les gens qui ne savent pas lire. »


C’est donc de ce roman qu’il sera question ici, ou du moins, de sa première partie. Les Éditions 10/18 viennent en effet de republier ce livre en le divisant en quatre tomes (le roman initial est particulièrement long). 


Ce début annonce au lecteur qu’il doit assister à de sinistres scènes ; s’il y consent, il pénètrera dans des régions horribles, inconnues ; des types hideux, effrayants, fourmilleront dans ces cloaques impurs comme les reptiles dans les marais.

Écrit en pleine période de la Monarchie de Juillet, Les Mystères de Paris est un roman-feuilleton publié dans Le Journal des débats de juin 1842 à octobre 1843. Dès sa sortie, l'œuvre d’Eugène Sue suscite un engouement extraordinaire, devenant un phénomène littéraire et social.


Ce premier tome, non comptant de nous présenter les personnages qui illumineront ce récit, nous invite à explorer la face cachée de la capitale française, mêlant intrigue criminelle, critique sociale, et personnages d’une humanité saisissante.


Un récit captivant au cœur des bas-fonds


Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans une atmosphère à la fois sombre et fascinante. Le récit commence sur l’île de la Cité, l’un des quartiers les plus malfamés de l’époque, avec une scène d’ouverture mémorable : un brigand, le Chourineur, s’en prend à une jeune femme, Fleur-de-Marie, avant que vienne s’interposer un homme mystérieux, que l’on découvrira par la suite être Rodolphe, un aristocrate au grand cœur qui se déguise pour arpenter les ruelles obscures de Paris. 


Son objectif ? Venir en aide aux plus démunis tout en révélant les mécanismes de la misère et de la criminalité. Cette quête d’humanité prend des allures d’enquête sociale, où chaque rencontre éclaire un pan de la réalité sordide des classes populaires mais aussi… du propre passé de Rodolphe.


Les personnages que Rodolphe croise sont inoubliables. Fleur-de-Marie, jeune orpheline à la beauté tragique, incarne l’innocence sacrifiée sur l’autel de la pauvreté. Le Chourineur, ancien criminel au passé douloureux, illustre la lutte intérieure entre rédemption et fatalité. En parallèle, Eugène Sue brosse avec une précision saisissante les figures sombres des antagonistes, qu’ils soient issus de la pègre ou des élites corrompues. C’est l’une des premières fois où, dans la littérature populaire française, le premier rôle n’est plus tenu par la « bonne société », mais bien par celle des « petites gens », des pauvres et des criminels.


Et puis encore nous croyons à la puissance des contrastes.

Entre suspense et critique sociale


Ce premier tome brille par son habileté à maintenir une tension constante. Chaque chapitre est conçu pour captiver, grâce à des rebondissements qui tiennent le lecteur en haleine. À la manière de nos séries télévisées actuelles, dans lesquelles bon nombre d’épisodes se terminent par des « cliffhanger », c’est-à-dire des fins ouvertes qui appellent une suite, souvent à fort renfort de suspense, la plupart des fins de chapitres donnent envie de débuter le suivant. Si, bien évidemment, le suspense que cherche à créer Eugène Sue est très éloigné de celui que nous connaissons habituellement de nos jours, il est suffisamment efficace pour nous donner envie de continuer à suivre les aventures de Rodolphe, du Chourineur, de Murph ou encore de Fleur-de-Marie.


Mais sous cette mécanique feuilletonesque se cache une profonde critique sociale. L’auteur dénonce l’indifférence des classes privilégiées, l’hypocrisie des institutions et l’absence de soutien pour les plus vulnérables. Si Eugène Sue ne s’est pas encore engagé politiquement (il le fera en 1850 en devenant député de la Seine), on sent déjà poindre son attirance pour le socialisme.


L’auteur ne se contente pas de décrire la misère ; il la scrute, l’explique et la relie aux structures sociales injustes. Dans ce premier tome, on lit déjà des passages édifiants dans lequel Eugène Sue dénonce toute l’horreur de l’esclavage pratiqué aux Etats-Unis. Et dans un Paris à deux vitesses, où la splendeur des quartiers riches contraste avec la noirceur des taudis, il pointe du doigt les responsabilités des puissants tout en offrant un espoir de rédemption à ses personnages.


Un roman populaire et mélodramatique


Les personnages des Mystères de Paris sont sans doute l’aspect de ce roman le plus fascinant. Certes, ils sont souvent très manichéens dans leur construction : Rodolphe, le grand héros de ce roman, y est dépeint comme un être particulièrement intelligent, bon, beau et tout de même mystérieux. Fleur-de-Marie est le prototype même du jeune personnage féminin, naïf et innocent. Quant à l’un des antagonistes, le Maître d'École, son apparence physique est aussi hideuse que le fond de son âme. Pourtant, la mécanique qui les lie fonctionne à merveille, reléguant ce manichéisme au second plan, permettant ainsi d’imposer toute l’ampleur de l’intrigue.


La misère, l’abandon, plus que ses mauvais penchants, avaient perdu cette misérable jeune fille.

Bien évidemment, cette intrigue est, par certains aspects, véritablement mélodramatique, au sens où certains rebondissements apparaissent parfois comme invraisemblables, les caractères des personnages souvent caricaturaux, mais peu importe à vrai dire. Ce roman se voulait être comme populaire, c’est-à-dire être lu apprécié par le plus grand monde. Eugène Sue ne s’embarrasse pas des éléments élitistes que pouvait avoir alors une certaine littérature. Il veut parler des classes les plus pauvres et populaires de Paris, aux classes populaires de Paris. Car ce roman se présente avant tout comme étant un grand roman de Paris. 


Bien qu’il puisse parfois céder au manichéisme ou à une certaine naïveté dans sa vision des classes populaires, Les Mystères de Paris reste une œuvre profondément novatrice. À une époque où le roman était souvent réservé à l’élite, et grâce à l’entremise des journaux, Eugène Sue s’adresse directement aux masses, en mettant en lumière leurs souffrances et leurs aspirations. La dignité est aussi l’un des thèmes majeurs de ce roman, à l’image de celle qu’a retrouvé le Chourineur grâce à l’intervention de Rodolphe. D’une certaine manière, ce roman est un précurseur des grands romans sociaux qui furent publiés par la suite. Pour ne citer que lui, Victor Hugo s’inspira du roman d’Eugène Sue pour construire Les Misérables (par exemple Fantine ressemble à bien des égards Fleur-de-Marie). 


Ce premier tome des Mystères de Paris est donc fascinant à plus d’un titre : par sa noirceur  et son ambition, sa violence même parfois, il préfigure déjà les grands romans sociaux qui seront publiés ensuite au XIXème siècle. Par sa volonté de mettre en scène les « petites gens » de Paris, il ouvre la voie aux romans populaires dans ce qu’ils ont de plus envoûtants : des personnages un brin caricaturaux mais ô combien attachants, des intrigues simples mais à l’ambition romanesque évidente, un suspense qui, malgré tout, reste séduisant et captivant. Bref, un premier tome qui nous donne indéniablement envie de poursuivre notre lecture en compagnie de Rodolphe et ses amis.


À chaque mot, l’étonnement de Rodolphe redoublait ; il ne pouvait comprendre cet épouvantable esclavage, cette horrible vente du corps et de l’âme pour un abri sordide, quelques haillons et une nourriture immonde. 

En mêlant suspense, émotion et réflexion sociale, Eugène Sue livre avec Les Mystères de Paris une œuvre à la fois accessible et profonde. Ce premier tome s’ouvre sur une scène mémorable (la rencontre du Chourineur, de Fleur-de-Marie et de Rodolphe), l’occasion pour nous de découvrir des personnages envoûtants qui nous donnent indéniablement envie de poursuivre notre lecture. Certes, la plupart d’entre eux sont manichéens et parfois caricaturaux, l’intrigue souvent mélodramatique, mais on ne peut qu’être happés par leurs aventures. Avec ce roman (et en l'occurrence ce premier tome), Eugène Sue nous livre un roman d’une grande noirceur, mettant en scène les classes populaires et les bas-fonds de Paris. Car oui, ce roman est aussi un livre sur Paris, sur les gens qui y habitent, sur la misère qui s’y cache. Les Mystères de Paris est une plongée saisissante dans les ténèbres de la capitale, mais aussi une ode à la justice et à la solidarité. Et en prenant aussi un peu de recul historique, Les Mystères de Paris, par son originalité, est une oeuvre qui est à la fois emblématique des romans-feuilletons passionnants de cette époque (à l’image des Trois Mousquetaires de Dumas), mais qui laisse entrevoir ce que seront les grands romans sociaux du XIXème siècle. Hâte de découvrir la suite des aventures de Rodolphe et de ses acolytes.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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