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Traité sur l’intolérance, Richard Malka (2023)

Une lecture indispensable sur la liberté d'expression et le droit au blasphème. Un plaidoyer contre l'intolérance, la violence et le sectarisme.

 

Traité sur l’intolérance, Richard Malka, Grasset, 2023

Après Le droit d’emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l’origine profonde d’une guerre millénaire au sein de l’Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.

Plus qu’une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu’il est advenu de l’Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.

Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis – au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.

Plonger avec passion dans cette cassure au sein d’une religion n’est pas être « islamophobe », c’est regarder l’histoire en face.

Traité sur l’intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance – pour qu’enfin chacun sache, comprenne, échange, s’exprime.

 

Richard Malka est sans doute l’un des avocats les plus médiatisés de France. S’il a bâti sa réputation en défendant Charlie Hebdo depuis 1992, il est aussi devenu l’un des plus ardents défenseurs de la laïcité, du droit au blasphème et de la liberté d’expression en France. Au fil des ans et des affaires (dont malheureusement celle des attentats contre l’hebdomadaire satirique en 2015 dont le procès en appel s’est terminé fin 2022), Richard Malka a développé une réflexion sur ces enjeux qui lui sont chers. Après Le droit d’emmerder Dieu paru en 2021, il publie chez Grasset un nouvel ouvrage : Traité sur l'intolérance.


A l’image de certains de ses essais précédents, ce livre est issu de sa plaidoirie lors du procès en appel qui s’est clôturé en octobre 2022. Après avoir mûri sa réflexion sur le droit au blasphème et sur la liberté d’expression, il a choisi dans ce livre d’évoquer la thématique ô combien brûlante qu’est la religion. « Dans cette salle, il faut bien finir par le désigner, par le regarder en face : il s’appelle Religion. C’est mon accusé » écrit-il dès les premières pages. Mais attention, le propos n’est pas de condamner la religion en tant que telle, bien au contraire : Richard Malka s’attache à montrer le danger que représente le fanatisme religieux dans ce qu’il a de plus intolérant, de plus rigoriste et de plus cruel. Car ne l’oublions pas, ce livre est écrit suite au massacre d’une rédaction par des terroristes islamistes.


Je parle d’une croyance, pas des croyants. Je parle d’une vision de l’islam, pas des musulmans. Une vision dogmatique, dont les principales victimes sont d’abord des musulmans, comme les Soviétiques étaient les premières victimes du stalinisme.

Revenir aux origines de l’islam


S’attaquer à l’intégrisme religieux, et notamment à l’intégrisme islamique, demande un certain courage. C’est une qualité constante chez Richard Malka. Sa volonté indéfectible de défendre le droit au blasphème et la liberté d’expression depuis plus de trente ans, que ce soit pour Charlie Hebdo ou d’autres comme dans l’affaire Mila, le démontre assez clairement. Mais ce courage là ne suffit sans doute pas.


C’est pour cette raison que l’avocat a souhaité développer sa connaissance de l’Islam et des religions en travaillant son sujet auprès de bons nombres de philosophes, historiens des religions et autres experts en la matière. Tout au long de ce livre, il convoque ainsi les travaux de Delphine Horvilleur, Adonis et Hamadi Redissi par exemple. Ses recherches couplées à une lecture attentive du Coran, transpirent à chacune de ces pages et nous confirment dans l’idée que Richard Malka souhaite connaître son adversaire pour mieux le combattre.


Les portes du savoir ne doivent jamais se fermer, ni en religion, ni à l'université.

Fort de son travail préparatoire, l’avocat nous plonge à l’origine de l’Islam et à ses débuts, 1400 ans plus tôt. Deux visions se sont alors opposées, celle du mutazilisme (école musulmane qui refuse de lire le Coran à la lettre, mais d’ouvrir son interprétation à la raison, au libre arbitre et à la tolérance), et celle du hanbalisme (école, au contraire, qui prône une vision étriquée, rigoriste et figée de l’Islam). « Cette discorde là entre mutazilites et hanbalites, on n'en est jamais sorti et pendant 1400 ans, le balancier est allé d'un côté ou de l'autre ; en ce moment, il va plutôt du côté des hanbalites » analyse Malka. C’est de ce dernier mouvement dont sont issus le wahhabisme et le salafisme, les deux courants contemporains les plus rigoristes et les moins tolérants de l’islam et dont la plupart des terroristes se disent affiliés.


En citant de nombreux érudits, Malka nous montre que l’islam est, comme la plupart des religions monothéistes, issus d’un contexte historique et politique alors en vigueur lors de son apparition. D’abord transmis par l’oralité, ce n’est que bien après la mort de Mahomet que le Coran a été rédigé. Vouloir d’une religion figée au VIIème siècle, suivre ses préceptes de l’époque alors même que le contexte politique, les mœurs, son rapport aux autres religions n’a eu de cesse d’évoluer au fil des siècles a de quoi surprendre, et peut même être critiqué. Cela est d’autant plus légitime qu’une tradition de l’islam l’a déjà fait par le passé (le mutazilisme). Un islam plus ouvert, plus tolérant et respectueux est aujourd’hui tout à fait possible.


Un appel à l’ouverture et à la tolérance


Si cette recontextualisation de l’islam s’avère ô combien nécessaire, si rappeler que cette religion (comme toutes les religions d’ailleurs) est issue d’un contexte historique et politique particulier, Richard Malka, en défenseur de la liberté d’expression et du droit au blasphème, s’engage encore un peu plus : il en appel à tous les intellectuels, journalistes, hommes politiques et fonctionnaires judiciaires ou non, à prendre leur responsabilité face à ce radicalisme islamiste. Mais aussi aux musulmans républicains de prendre leur responsabilité et de défendre une autre vision de l’islam.


Et plus largement, c’est à la société toute entière que Malka souhaite faire passer un message : cessons, collectivement d’être naïf, de nous voiler la face ; défendons notre laïcité face à ceux qui l’agresse en permanence. Oui, le blasphème est un droit, oui la liberté d’expression représente le socle de toute démocratie, et oui, il doit être encore possible aujourd’hui de se moquer des religions. Loin de condamner absolument cette religion, l’avocat en appelle plutôt à retrouver un « islam des Lumières ». Car un autre islam est possible.


Il y a un islam des lumières et un islam des ténèbres dont le principal ennemi est l’islam des lumières. Il y a un islam des philosophes et un islam des prédicateurs, un islam de la réflexion et un islam de l’imitation, un islam des mutazilites et un islam des salafistes, un islam de la pensée et un islam des Kouachi.

Richard Malka est l’avocat historique de Charlie Hebdo. Lors du procès en appel des attentats de 2015 qui s’est tenu en octobre 2022, il a choisi de revenir sur l’histoire de l’islam, de son origine jusqu’à nos jours. Ce livre est la transcription de la plaidoirie qu’il a tenue à cette occasion. Fervent défenseur de la liberté d’expression et du droit au blasphème, il démontre tout au long de ce livre que l’islam, dès ses débuts, est profondément divisé entre deux courants : le mutazilisme (courant rationnel, ouvert, et tolérant) et le hanbalisme (mouvement rigoriste, prônant une lecture du Coran à la lettre). De cette tension, l’islam n’a jamais su vraiment s’en affranchir. Fort de nombreuses recherches personnelles et entretiens avec des spécialistes de la question, Richard Malka dénonce les appels à la haine et l'intolérance d’une partie de l’islam dont se revendiquent les terroristes. Mais ne nous trompons pas : ici, ce n’est pas l’islam en tant que tel qui est mis sur le banc des accusés, mais la religion de manière générale lorsque celle-ci est dévoyée au profit de l’intolérance, du sectarisme et de la violence. C’est peut-être la dernière partie de ce livre qui est sans doute la plus importante : l’auteur lance un appel aux intellectuels, universitaires, journalistes, hommes politiques, bref, à la société toute entière afin de faire émerger, dans le débat public, un « islam des Lumières ». Une lecture passionnante, mais surtout nécessaire.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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