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Photo du rédacteurMax

Résurrection, Eric Giacometti et Jacques Ravenne (2021)

Un thriller ésotérique qui nous plonge dans les méandres de l'Histoire et de l'art. Aussi palpitant que captivant !


Un livre ésotérique passionnant qui nous plonge en plein coeur de l'Histoire
 

Résurrection, Eric Giacometti et Jacques Ravenne, JC Lattès, 2021

1291, Terre sainte. Un groupe de templiers, chargé d’une mission secrète, est massacré au milieu du désert. Un seul chevalier en réchappe, miraculeusement.

1943. Des ténébreux châteaux allemands aux couloirs troubles du Vatican, Tristan Marcas s’engage malgré lui dans une nouvelle quête.

À la recherche d’un mystère qui le conduira jusqu’aux portes de l’enfer.

Un thriller vertigineux, qui explore les arcanes oubliées de l’histoire.

 

Depuis plus de quinze ans maintenant et la publication de leur premier roman en 2005, Le Rituel de l'ombre, Eric Giacometti et Jacques Ravenne sont devenus les maîtres incontestés du thriller ésotérique à la française et peuvent sans l’ombre d’un doute faire jeu égal avec Dan Brown (l’auteur du Da Vinci Code, entre autres). D’habitude, leur enquêteur fétiche est le commissaire de police et franc-maçon Antoine Marcas mais, depuis 2018, ils se sont lancés dans le Cycle du Soleil Noir, qui sonde de manière extrêmement documentée l’étrange fascination que les nazis exprimaient pour l’ésotérisme. Ainsi, dans cette série de livres, on suit les aventures d’un autre Marcas, Tristan cette fois, qui voyage d’Espagne en Italie en passant par l’Allemagne et la Russie pour retrouver des secrets centenaires et des trésors enfouis et protégés par de dangereux inconnus…


Le roman qui va m’occuper ici, Résurrection, est le quatrième et nous entraîne dans une quête impliquant les Templiers, mais aussi un célèbre tableau d’Arnold Böcklin, L’île des morts...



Arnold Böcklin, L’île des morts, Troisième version, 1883. Alte Nationalgalerie, Berlin. Huile sur bois, 80 × 150 cm

Arnold Böcklin, L’île des morts, Troisième version, 1883. Alte Nationalgalerie, Berlin. Huile sur bois, 80 × 150 cm


Autant vous le dire tout de suite, si par le passé j’ai lu la majorité des romans dont Antoine Marcas est le héros, il s’agit du premier volume du Cycle du Soleil Noir que je découvre. A vrai dire, je craignais d’être un peu déboussolé en commençant la série par son quatrième volet, mais il m’a été en réalité incroyablement facile d’accrocher à ce nouvel héros et à la période historique dont il est question ici, à savoir la Seconde Guerre mondiale. Giacometti et Ravenne ont toujours fait en sorte d’écrire des romans isolés qui peuvent se lire et s’apprécier sans avoir lu les précédents, et cette fois encore le pari est tenu. L’essentiel des tomes précédents nous est rapidement expliqué et nous permet ainsi de débuter sereinement ce récit dès les premières pages. Bref tout ça pour dire qu’il n’est pas nécessaire d'avoir lu les romans précédents pour se laisser porter par celui-ci.


Maintenant, il savait que l’enfer était d’abord sur terre.

Mais venons-en au livre lui-même. A ses débuts, Hitler était fasciné par l’ésotérisme (l’origine de la croix gammée vient de là, puisqu’elle était déjà utilisée par une société secrète appelée Thulé). Si par la suite il s’en est détachée et a eu une conduite, dirons-nous, plus rationnelle, d’autres très haut dignitaires allemands ont voué une grande partie de leur carrière nazie à l’ésotérisme. Le premier étant Himmler lui-même. Et c’est ce dernier qui est mis en scène ici puisque c’est lui qui recrute Tristan Marcas (contre son gré, cela va sans dire) pour partir à la recherche d’un mystérieux objet… Je n’en dirai pas plus, tant pour maintenir un peu de suspense que parce que, au fond, pour paraphraser un célèbre adage, ce n’est pas l’objet de la quête qui importe, mais la quête elle-même…


Et ici, la quête dans laquelle s’embarque Tristan Marcas est particulièrement captivante. A ses côtés, on voyagera en Russie, en Allemagne et, pour finir, en Italie. L’occasion pour nous de découvrir, et même de nous épouvanter devant la description, certes romancée, de nombreux personnages nazis et les “expériences” que certains d’entre eux oser mener avec un sang froid épouvantable… Si malheureusement ce livre n’évite pas certains clichés vus et revus sur le national-socialisme et ses représentants (tous sont dépeints comme des “méchants”, des êtres immoraux et cruels, avec en toile de fond la fameuse théorie d’Hannah Arendt sur la banalité du mal), caractéristiques très peu intéressants mais qui sont plutôt bien utilisés dans ce roman, on y découvre le personnage historique et, franchement étonnant, qu’est Otto Skorzeny. C’est le seul nazi a sortir véritablement du lot, si j’ose dire. Et il vaut le détour. Certes, il est particulièrement sadique, mais l’idéologie portée par Hitler ne l’intéresse absolument pas. Il s’agit d’un guerrier qui adore la vue du sang et qui fait tout pour arriver à ses fins. Son cynisme, confronté à l’ironie de Marcas, offre des dialogues singulièrement plaisants.


La mort, toujours la mort, pensa Marcas. Des années qu’elle ne le quittait pas, qu’elle le traquait sans cesse. Ce n’était plus un cauchemar, dont on pouvait se réveiller, mais la vérité. La vérité de sa vie.

Autre point enthousiasmant de ce livre : sa volonté de nous plonger dans l’Italie fasciste de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsqu’on évoque cette période dramatique de l’Histoire, on a souvent tendance à insister (souvent avec raison d’ailleurs) sur le nazisme. Mais le fascisme lui non plus n’était pas en reste de brutalités, de libertés bafouées, de peurs et, finalement, de dictature. Toujours de manière romancée certes, le lecteur est plongé au cœur d’une folie de plus de l’Histoire… Au côté des différents protagonistes, on fait la connaissance des terribles “chemises noires” et d’un Mussolini en totale perdition.


Mais ce qui m’a franchement le plus captivé est la description du Vatican de cette période qu’en font les auteurs. Pris entre deux feux, le fascisme et le nazisme, l’Eglise et le Pape Pie XII à sa tête sont contraints de marcher sur des œufs tant, avec Hitler et Mussolini en adversaires, le catholicisme est en difficulté. On ne s’en étonnera pas, mais ce livre nous présentera, s’il le fallait encore, le rôle politique que joue cette institution.


Tu crois vraiment que trente-cinq ans de communisme vont effacer deux millénaires de christianisme ?

Bref, vous l’aurez compris, même si ce livre reste avant tout un thriller ésotérique, l’importance donnée par Giacometti et Ravenne à l’Histoire rend ce roman vraiment plaisant. D’autant plus qu’on sent tout le travail de documentation mené par les auteurs et leur volonté d'ancrer l’enquête de Marcas dans un contexte particulièrement réaliste. Et c’est sans doute grâce à cela que la quête ésotérique du Français est si prenante. D’énigme en énigme, de péripétie en péripétie, Tristan Marcas devient un acteur involontaire de cette guerre. Jouant un triple jeu puisqu’il est à la fois agent pour les anglais, pour les russes et pour les allemands, le personnage principal de ce roman nous dévoile une profondeur dans son héroïsme assez surprenante, d’autant plus que se mêle en lui une légère part d’ombre...


Finalement, ce livre nous permet de découvrir de manière plutôt ludique des pans de la Seconde Guerre mondiale relativement méconnus et des détails parfois surprenants (n’est-ce pas, Göring, tu avais une bien drôle de lubie dis moi). Aussi fascinant sans doute est la façon dont l’histoire de l’art revêt ici une importance capitale : comme toujours avec Giacometti et Ravenne, le suspense et le mystère ne sont jamais loin d’une œuvre d’art. Un très bon cru !


Une fois encore, Eric Giacometti et Jacques Ravenne nous offrent un thriller incroyablement palpitant et captivant. Comme toujours avec eux, l’Histoire et l’art sont au cœur des mystères ésotériques que leur personnage principal, ici Tristan Marcas, doit résoudre. Et autant dire que nous sommes bien servis : entre les Templiers et un tableau d'Arnold Böcklin, nous voyageons de Russie à l’Allemagne pour finalement terminer notre périple en Italie. Et c’est sans doute cette dernière destination qui est particulièrement intéressante me semble-t-il : si la Seconde Guerre mondiale est souvent traitée à travers le prisme de l’Allemagne nazie (ce qui est évidemment aussi le cas ici), nous découvrons l’Italie fascisme de Mussolini. Peut-être plus passionnant encore est la façon dont le rôle de l’Eglise et celui du pape Pie XII dans ce conflit sont mis en avant. Si bien évidemment Résurrection est avant tout un roman, le travail documentaire réalisé par les auteurs est à mettre à leur crédit tant le contexte historique est particulièrement important pour ancrer cette nouvelle enquête de Marcas dans une sombre réalité. Et le résultat est une belle réussite : d’énigme en énigme, de péripétie en péripétie, Tristan Marcas devient un acteur involontaire de cette guerre. Qui plus est, quand l’histoire de l’art est au rendez-vous, comme toujours avec ces auteurs, on ne peut qu’une nouvelle fois adhérer à ce très bon roman !


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Commentaires


“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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