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  • Photo du rédacteurMax

Les folles enquêtes de Magritte et Georgette, nom d'une pipe ! - Nadine Monfils (2021)



Un cosy mystery à la sauce belge, avec pour personnage principal René Magritte lui-même. Excitant, non ?


Un cosy mystery avec Magritte  en personnage principal !

 

Les folles enquêtes de Magritte et Georgette, Nom d’une pipe !, Nadine Monfils, Robert Laffont, 2021

C’était au temps où Bruxelles bruxellait...

À l’arrêt du tram, le célèbre peintre René Magritte, chapeau boule, costume sombre et pipe au bec, a une vision étrange : une jeune femme en robe fleurie, debout à côté de son corps ! Il en parle à Georgette, son épouse, et immortalise la scène dans un tableau. Quelques jours plus tard, cette femme est retrouvée assassinée, avec une lettre d’amour parfumée dans son sac et un bouquet de lilas sous sa robe.

 

Un petit cosy mystery au pays de la bière, cette idée vous enchante ? En tout cas, en ce qui me concerne, j’avoue avoir été séduit par l’aimable proposition des équipes de Babelio qui m’ont invité à découvrir le premier tome d’une série de livres mettant en scène le célèbre peintre belge, René Magritte, qui pour l’occasion revêt son chapeau melon et son costume de détective. J’en profite donc, dès ce préambule, pour remercier ce site internet d’amoureux des mots d’avoir pensé à moi et de m’avoir offert la possibilité de découvrir ce roman qui, par bien des aspects, m’a totalement convaincu. Mais revenons au début si vous me le permettez. De quoi parle ce livre ? Dans ce roman, Les folles enquêtes de Magritte et Georgette : Nom d’une pipe !, Nadine Monfils met en scène le peintre René Magritte et sa femme, Georgette, pour les transformer en détectives amateurs suite à une drôle d’affaire. Une jeune femme dont Magritte avait noté la présence à un arrêt de tram est retrouvée morte quelques jours plus tard. Désireux de faire toute la lumière sur cette sombre affaire, le couple décide de mener l’enquête. Et quand un deuxième corps est découvert, Magritte et Georgette n’ont d’autre choix que de partir à la recherche de l’assassin… Un vrai cosy mystery, en somme. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un cosy mystery ?


Madeleine croyait aux légendes. Elle aimait ces histoires propices à vous sortir du quotidien, de cette routine ennuyeuse qui lui rongeait la vie à pleine dents, sale souris qui l’avait attrapée dans son piège avec un sourire.

Un cosy mystery est un genre littéraire qui devient de plus en plus à la mode depuis quelques années. A la manière de M.C. Beaton et son Agatha Raisin par exemple, ce type de romans met en scène des enquêtes policières, beaucoup moins violentes que la plupart des thrillers, et n’hésite pas à faire de l’humour, parfois potache, une caractéristique essentielle de leurs intrigues et de leurs personnages principaux. Le but étant, comme son nom l’indique, d’être avant tout divertissant et de permettre aux lecteurs de passer un bon moment.


Mais ici, l’entreprise est de taille : utiliser une figure historique et artistique mondialement connue telle que Magritte pour en faire un roman policier décalé, voici un projet qui ne manque pas d’audace ! Et pourtant, force est de constater que Nadine Monfils arrive à convaincre de la plus belle des manières.


Qui avait bien pu lui écrire ces mots qui ne cessaient de danser dans sa tête, diablotins malicieux à la langue saupoudrée de venin ?

La première des raisons repose, me semble-t-il, sur la grande admiration et l’amour que l’autrice porte à Magritte. Elle le confirme d’ailleurs elle-même dans la note que l’écrivaine laisse à la fin de son roman : Nadine Monfils est véritablement passionnée par Magritte et son œuvre. Cette fascination pour l’artiste transpire à chacune de ses pages, et on n’est finalement guère surpris de voir des allusions ou même des références explicites à bon nombre de tableaux réalisés par le peintre belge. Au point que l’enquête et sa carrière artistique finissent même parfois par se confondre, certaines toiles ayant pour origine les avancées de Magritte dans sa résolution des meurtres…


Mais si Nadine Monfils assume pleinement son admiration pour le peintre, elle n’en fait pourtant pas un éloge démesuré, et le rend même souvent facétieux, espiègle, et par moment même un brin désagréable (notamment avec sa pauvre femme de ménage, Carmen). Sous ses faux-airs de bourgeois qui présente bien, la romancière nous brosse un René Magritte particulièrement attachant, joueur, brave et amusant. S’il est loin d’être un détective aussi intelligent et, autant le dire, presque déifié comme on en trouve parfois dans le genre du roman policier, lui et sa femme Georgette sont néanmoins suffisamment perspicaces pour lever le voile sur cette triste affaire de meurtres…


Parfois, il vaut mieux se taire et laisser le temps soulever le voile de la vérité.

Si j’insiste sur l’importance de Georgette, la femme de René Magritte, c’est parce qu’elle a une place capitale dans ce roman. En réalité, si ce livre met en lumière la figure emblématique qu’est Magritte, il n’oublie pas de dresser un portrait particulièrement intéressant de Georgette. Car il me semble que, bien plus qu’un roman sur Magritte, il s’agit plutôt d’un récit portant plus fondamentalement sur le couple formé par Magritte et sa femme. Nadine Monfils met l’accent sur l’amour inconditionnel que se portent les deux protagonistes, et sur l’entente fusionnelle qui les anime. Ils adorent se taquiner, aiment par-dessus tout leur chien, adorent le promener pour lui permettre de faire “pipisse” et, finalement, se plaisent dans leur vie somme toute tranquille et sans histoire. A tous les deux, grâce à l’imagination débordante de René, couplée au pragmatisme de Georgette, ils vont se lancer en quête de l’assassin.


Mais le passage qui me restera sans doute en tête longtemps, c’est évidemment la rencontre entre Magritte et Jacques Brel ! Nadine Monfils invente bien évidemment ce dialogue, aucune preuve venant accréditer a priori l’existence de pareil moment, mais les répliques et les indiscrétions que se livrent ces deux personnages emblématiques de la Belgique sont véritablement savoureuses. Comme un hommage, la romancière donne à ces paroles imaginaires un ton de confidences qui rend ce moment particulièrement incroyable et fascinant. Si la rencontre entre ces deux monuments avait véritablement eu lieu, peut-être aurait-elle pu prendre cette tournure...


Certains assassins sont des artistes qui s’expriment autrement parce qu’ils ne sont pas doués pour l’art.

Enfin, comment parler de ce livre sans évoquer l’atmosphère si particulière et si… belge de ce roman ? Car l’intrigue se passe évidemment en Belgique, à Bruxelles, entre des pintes de bières et des expressions parfois cocasses une fois ! Non, sans plaisanter, cela fait plaisir de se plonger dans une ambiance si authentique, si naturelle et, au fond, si sincère.


Quant à l’intrigue, elle est globalement plutôt bien menée, et l’équilibre entre l’enquête policière en tant que telle et la vie du couple composé de Magritte et Georgette est bien respecté. Élément important tout de même, si nous somme bien ici dans un cosy mystery, la tournure de l’intrigue se noircit notablement sur le dernier tiers du livre.


Notons, pour finir, la grande qualité de l’écriture. On sent toute l’expérience de l’écrivaine et son grand savoir-faire pour mener un roman. Elle sait trouver le juste équilibre entre les familiarités et facéties de langage de ses personnages avec des moments de sérieux et même, parfois, de poésie légère et pertinente. S’il apparaît quelques fois des facilités et des généralités superficielles (très peu présentes, en réalité), la lecture en est vraiment rendue très agréable par cette douce écriture.


En fin de compte, il s’agit d’un très bon livre qui se lit avec plaisir. Que demander de plus ?


Il était convaincu que l’art, le vrai, n’a besoin d’aucune explication. Il se suffit à lui-même. Ceux qui entourent une œuvre de mots comblent le vide qu’elle cache en cherchant à faire illusion. Seuls les esprits creux sont dupes.

Genre de plus en plus présent sur les étagères de nos librairies, nous avons ici un exemple type du cosy mystery : personnages hauts en couleur et pittoresques, humour potache et sympathique, énigme policière prenante, bref tous les éléments sont là pour nous faire passer un agréable moment de lecture. Et, sans grande surprise, ce fut le cas pour moi. Si j’apprécie globalement ce genre littéraire, je dois dire que ce livre de Nadine Monfils m’a véritablement séduit. D’abord grâce à son écriture, particulièrement plaisante, mais aussi par la qualité de ses personnages. Car faire de René Magritte, peintre célèbre, un détective amateur tenait pourtant d’un pari risqué. Mais à la lecture de ce roman, on sent toute l’admiration et la passion que l’autrice porte à cette figure artistique emblématique, le rendant extrêmement attachant. Nous plonger au cœur de la vie du couple qu’il formait avec Georgette n’est pas non plus anodin tant la complicité et l’amour qu’elle arrive à dégager de ces deux personnages structurent l’ensemble du récit. Pour finir, ce roman nous offre aussi une photographie de Bruxelles du milieu du XXème siècle. Entre bières et expressions belges, le roman nous fait voyager au cœur de la capitale belge. Et si la Belgique a une place évidemment centrale dans ce livre, comment ne pas mentionner la surprenante rencontre que Nadine Monfils imagine entre Magritte et Brel ? Un moment particulièrement hors du temps, savoureux à souhait. Bref, ce roman est une très belle découverte, que je dois aux équipes de Babelio. Merci à vous !


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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