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Le Colonel Chabert - Honoré de Balzac (1832)

  • Photo du rédacteur: Max
    Max
  • il y a 33 minutes
  • 7 min de lecture

Un court roman, aussi intense que profondément humain, qui représente une formidable porte d'entrée dans l'univers balzacien. A lire absolument.

Un roman très court qui nous plonge de la plus belle des manières dans l'univers de Balzac
 

Le Colonel Chabert, Honoré de Balzac, Le Livre de Poche, 1994 (1832)

Enfant trouvé, fasciné par la carrière des armes, Hyacinthe dit Chabert s'est illustré aux premiers rangs de la Grande Armée. Laissé pour mort à Eylau, puis miraculeusement sauvé, il tentera quelques années plus tard de retrouver sa place dans une France bourgeoise qui veut oublier ses héros, auprès d'une femme qui lui doit tout, qui l’a dépouillé et qui le rejette.

Nul destin, peut-être, n'éclaire mieux que le sien l'envers de la «comédie humaine», dans cette tragédie domestique doublée d'un drame social où le sublime côtoie constamment le sordide.

 

Le Colonel Chabert est un court roman d’Honoré de Balzac. Paru en 1832 dans la revue L’Artiste, puis maintes fois remanié par son auteur au gré de la construction de son projet faramineux, La Comédie humaine, ce livre avait à l’origine un autre nom, La Transaction. Un titre qui présentait l’avantage de directement mettre le doigt sur le nœud dramatique qui se joue au sein de ces pages : la façon dont un homme revenu d’entre les morts tente de retrouver sa vie par l’entremise d’un homme de loi en proposant à son ancienne femme un accord, un deal comme on dirait aujourd’hui.


- Monsieur, lui dit Derville, à qui ai-je l’honneur de parler ? - Au colonel Chabert. - Celui qui est mort à Eylau, répondit le vieillard. En entendant cette singulière phrase, le clerc et l’avoué se jetèrent un regard qui signifiait : - C’est un fou !

Cet homme qui refait surface, c’est donc le Colonel Chabert, Hyacinthe Chabert. Orphelin, il a fait sa carrière au sein de l’armée, gravissant les échelons à chacun de ses faits d’armes ; a combattu sous les ordres de Napoléon, qui lui a donné la Légion d’honneur pour le récompenser de ses prouesses. Son dernier exploit, non des moindres : il joue un rôle décisif lors de la bataille d’Eylau en 1807, bataille lors de laquelle il sera blessé et laissé pour mort.


Douze ans plus tard, il rentre à Paris, défiguré par sa terrible blessure et dévasté par la misère qui ne l’a pas lâché depuis. Il se rapproche de maître Derville (personnage récurrent chez Balzac), pour récupérer son nom, son rang et sa fortune. Mais sa femme, remariée à un conseiller d’Etat, le comte Ferraud, voit en lui une menace pour ses ambitions.


Ce livre suivra le cheminement de Chabert dans sa quête pour redevenir lui-même. Un roman qui prend aux tripes tant l’injustice, la fatalité et le vice l’écœureront de l’humanité dans son ensemble. Sordide et révoltant.


J’ai été enterré sous des morts, mais maintenant je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société entière, qui veut me faire rentrer sous terre !

Le tragique d’une époque


Héros de la nation, blessé de guerre, presque martyr d’un temps révolu, le colonel Chabert revient dans un monde qui l’a oublié. Lui qui a combattu aux côtés de Napoléon, le voilà de retour dans une France bien plus bourgeoise qu’à son époque et qui a tourné la page de la guerre et de ses soldats.


Le Colonel Chabert est donc peut-être le roman de la confrontation de deux mondes : celui de l’Empire de Napoléon, dont les guerres et ses batailles ont régi la société, et celui de la Restauration, qui cherche à tirer un trait sur cette période passée, mettant en avant une nouvelle élite, qui ne veut pas de ce que représente Chabert. 


Alors qu’il s’est construit un nom sur les champs de bataille, à la force de son courage, de ses faits d’armes et de son honneur, le voilà perdu au milieu d’une société dans laquelle l’argent a les pleins pouvoirs. C’est lui qui, désormais, fait et défait les hommes. Et sa femme, Rose, vers qui il se tourne pour retrouver son prestige, se trouve bien mieux dans ce monde là que dans l’ancien.


Son ancienne femme lui a donc tourné le dos, s’est remariée avec un conseiller d’Etat, le comte Ferraud, en lui prenant tout ce qu’il avait. Elle qui désormais vit de son rang social et de sa fortune, voit avec le retour de son mari un frein, voire une menace à son ambition. Elle fera tout pour le sommer de ne point réapparaître.


Mais un observateur, et surtout un avoué, aurait trouvé de plus en cet homme foudroyé les signes d’une douleur profonde, les indices d’une misère qui avait dégradé ce visage, comme les gouttes tombées du ciel sur un beau marbre l’ont à la longue défiguré.

Le retour d’un homme désabusé


Douze ans après la bataille d’Eylau, en 1819, Hyacinthe Chabert revient d’entre les morts, défiguré par son dernier combat. Lui qui a connu les plus grandes batailles se voit incapable de reprendre son nom, de prouver qu’il est bien celui qu’il prétend être. 


Dans une société qui ne vit qu’à travers le rang social de ses plus éminents représentants, Chabert doit mener son plus grand combat : retrouver son nom et son rang. Mais les années faites de séjours en hôpital, de mendicité et de précarité, couplées à ses affreuses balafres qui jalonnent son corps meurtri, l’ont rendu méconnaissable.


Idéaliste sans doute, Chabert se tourne vers un homme de loi pour l’aider à retrouver sa grandeur d’antan. Derville, l’avoué (profession aujourd’hui disparue en France, un avoué était un juriste représentant des parties au sein d’une cour) qui l’entend pour la première fois se retrouve touché par son histoire et tentera de l’aider. 


Contrairement à beaucoup de personnages de Balzac, Derville se trouve être, un peu comme Chabert, un homme droit et honnête. Il tentera de convaincre Rose Ferraud d’accepter un accord à l’amiable permettant à Chabert de réintégrer pleinement la société. Cette dernière fera tout pour faire renoncer Chabert à sa quête, essayera de le manipuler pour arriver à ses fins.


Chabert, quant à lui, ne sera pas dupe. Désenchanté une première fois à son retour à Paris, voyant ce que la société parisienne était devenue, se retrouve une nouvelle fois confronté à une triste réalité : sa femme, qu’il a pourtant aimé, ne veut pas de son retour. Plus grave encore, elle refuse de lui laisser une chance de retrouver son nom et sa fortune. C’est l’épreuve de trop pour lui : las du monde, de son hypocrisie et de ses vices, il finit par baisser les armes et décide définitivement de vivre en mendiant, rôle que la société lui avait donné dès son retour.


J’ai subitement été pris d’une maladie, le dégoût de l’humanité.

En quête d’identité


Après douze ans d’exil, passés à soigner ses plaies et à parcourir l’Europe pour rentrer chez lui, Chabert se rend douloureusement compte que son chez lui à disparu. Et avec lui, toute une époque qui l’avait pourtant porté aux nues. 


Roman particulièrement court (ou nouvelle, au choix), Le Colonel Chabert met en scène une véritable tragédie de son époque. Le retour d’un homme dans une société qui le récuse. Si son nom est resté dans les mémoires, son identité, quant à elle, a disparu.


On retrouve dans ce drame un troublant paradoxe : le droit a tranché, le colonel Chabert n’est plus, son décès est acté. Pourtant Hyacinthe, lui, bien que méconnaissable, est toujours là. C’est cette fracture qui façonne ce roman : l’homme de guerre est enterré, le mendiant perdure.


Si Hyacinthe voulait redevenir le colonel Chabert, force est de constater qu’il ne le peut plus. Plus grave encore, face à cet acharnement dont il est victime, acharnement sans doute plus métaphorique que réel venant de la société, mais aussi acharnement bien plus concret de sa femme à son égard, il abandonne son dernier combat. Il ne sera plus Chabert : « Pas Chabert ! pas Chabert ! Je me nomme Hyacinthe » finira-t-il par dire.


Savez-vous, mon cher, reprit Derville, qu’il existe dans notre société trois hommes, le Prêtre, le Médecin et l’Homme de justice, qui ne peuvent pas estimer le monde ? Ils ont des robes noires, peut-être parce qu’ils portent le deuil de toutes les vertus, de toutes les illusions.

Un roman typiquement balzacien


On connaît tous Balzac. Bon nombre de ses œuvres nous ont accompagné (souvent durant notre scolarité, à notre plus grand désarroi parfois) : que ce soit Les Illusions perdues, Le Père Goriot ou encore La Peau de Chagrin, la plupart d’entre elles sont souvent réputées de lecture difficile. Pourtant, il n’en est rien ici. 


Ce roman est particulièrement court, allant à l’essentiel. Bien que sa construction soit un peu étrange (une entrée en matière assez longue au regard de sa fin quelque peu abrupte), son propos est suffisamment clair pour nous permettre de nous plonger corps et âme aux côtés de Chabert. Et d’entrer en empathie avec lui.


Le Colonel Chabert fait partie de la Comédie humaine, ce projet ô combien ambitieux de Balzac qui met en scène tout ce que le XIXème siècle à de plus sordide : l’hypocrisie d’un monde dirigé par l’argent et le rang social. A travers une étude approfondie des différents groupes sociaux qui le compose, de leurs bassesses, de leurs secrets aussi, Balzac souhaite dépeindre une société aux prises avec ses contradictions, ses apparences et ses vices.


Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici : Chabert est écœuré par le comportement de sa femme, elle qui a ignoré son premier mari pour épouser le comte Ferraud et profiter de son statut social. Et c’est pour cacher aux yeux de tous que son premier mari était toujours vivant (et donc d’éviter l’annulation de son second mariage et le déshonneur qui va avec) qu’elle fera tout pour que Chabert reste bel et bien un homme mort.


Un récit profondément humain et touchant en somme.


Le Colonel Chabert d’Honoré de Balzac est un roman court mais poignant, illustrant l’injustice sociale et la cruauté du monde post-napoléonien. Le colonel Chabert, héros de guerre laissé pour mort à la bataille d’Eylau en 1807, revient à Paris après douze ans d’errance, défiguré et misérable. Il cherche à récupérer son nom, sa fortune et sa place dans la société, mais se heurte à un monde transformé, dominé par l’argent et l’ambition. Sa femme, Rose, remariée au comte Ferraud, refuse de reconnaître son existence, de peur de perdre son statut social. Aidé par l’avoué Derville, Chabert tente d’obtenir justice, mais face à la duplicité et à l’indifférence de la société parisienne, il finit par renoncer. Désabusé et brisé, il choisit de vivre en mendiant, reniant jusqu’à son identité. À travers ce drame, Balzac oppose l’idéalisme de l’Empire à l’hypocrisie de la Restauration, dénonçant une société où l’honneur n’a plus de valeur face à l’arrivisme et à la froideur des intérêts personnels. Facile à lire et profondément touchant, ce court roman est une très belle porte d’entrée dans l’univers balzacien et sa Comédie humaine.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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