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Au-delà de la mer, Paul Lynch (2021)


Avec son quatrième roman, Paul Lynch revient avec un récit d'une puissance et d'une densité rare sur la condition humaine. Bouleversant.


 

Au-delà de la mer, Paul, Lynch, Albin Michel, 2021 (2019)

« Muets de saisissement, Hector et lui regardent le monde se recomposer dans une magnificence de couleurs. Comme s’ils étaient les premiers à contempler des ciels pareils. Chacun commence à entrevoir la vérité de l’autre, à deviner qu’ils sont tous les deux pareillement démunis au cœur de la vérité des choses. Et qu’au sein d’une telle immensité, ce qu’un homme porte en son cœur n’a plus guère de poids. »

Malgré l’annonce d’une tempête, Bolivar, un pêcheur sud-américain, convainc le jeune Hector de prendre la mer avec lui. Tous deux se retrouvent vite à la merci des éléments, prisonniers de l’immensité de l’océan Pacifique. Unis par cette terrifiante intimité forcée et sans issue, ils se heurtent aux limites de la foi et de l’espoir, à l’essence de la vie et de la mort, à leur propre conscience.

Dans ce face-à-face d’une intensité spectaculaire, Paul Lynch explore la condition humaine avec une force digne d’Hemingway ou de Camus, et s’impose définitivement comme un virtuose des lettres irlandaises.

 

Avec seulement trois livres à son actif, dont le magnifique Grace paru en France en 2019, Paul Lynch est l’un des auteurs irlandais les plus talentueux du moment. Salué à la fois par la presse internationale et les libraires, il est avant tout reconnu pour son style si particulier, qui mêle à la fois poésie, lyrisme mais aussi une densité remarquable. Pour ce quatrième roman, l’écrivain a décidé de laisser derrière lui l’Irlande pour s’aventurer sur l’immensité de l’océan.


Si ses trois premiers romans se déroulaient dans son pays natal, l’Irlande, Paul Lynch a décidé pour son quatrième livre d’explorer un territoire encore inconnu sous sa plume : l’océan. Car si, dans ses livres précédents, l’auteur avait su décrire les profondeurs de cette île fascinante mais ô combien meurtrie par son histoire, il était temps pour lui de voguer vers d’autres horizons. Fils d’un officier de marine marchande, il a choisi de partir à la rencontre d’un environnement que son père connaissait si bien.


Un court instant, il prend conscience d’une sensation de vacuité alors que la gueule de l’océan s’ouvre juste derrière eux. Et alors la mer devient ciel.

A la dérive


C’est en lisant un terrible fait divers (en 2013, deux pêcheurs ont été pris par un ouragan et se sont retrouvés au large, perdus, sans aucun moyen de regagner la côte) qu’il eut l’idée de ce quatrième roman. Paul Lynch nous offre un récit d’une profondeur rare qui s’attache à exposer la condition humaine, intemporelle, dans ce qu’elle a de plus terrible. Presque philosophique, « à la manière de Camus, Conrad, Hermann Hesse et d’autres » comme il le dit lui-même. Car confrontés au vide existentiel, ses personnages se retrouvent loin de la société et de sa modernité, pour affronter leur solitude. C’est ainsi que Paul Lynch met en scène dans ce roman deux hommes sud-américains : un jeune homme, Hector, et Bolivar, pêcheur aguerri mais qui décide pourtant de partir en mer dans sa petite embarcation alors qu’une terrible tempête se prépare. Les deux hommes se voient alors pris dans une mer déchaînée qui finit par les abandonner au milieu de l’océan, leur bateau n’ayant plus de moteur ni moyen de communication. Prisonniers de leur propre embarcation, les voilà seuls, loin de tout, à la dérive. Et alors que les jours passent, puis les semaines et les mois, le temps finit par s’estomper, les obligeant ainsi à affronter, pour reprendre les mots de Lynch, « les problèmes les plus graves de l’esprit humain » .


Chez lui, le problème vient de dedans, se dit-il, l’esprit s’oppose au faire. On est là tous les deux, à moitié mort, et il ne sert toujours à rien.

Paul Lynch nous livre ainsi un roman avec trois personnages principaux. D’abord Hector, un jeune adolescent obligé contre son gré de partir en mer, dont l’esprit est avant tout occupé par ses problèmes de cœur. Ensuite Bolivar, un pêcheur indifférent, désabusé qui décide pourtant de partir en mer alors qu’une tempête s’annonce. Et enfin l’océan, aussi âpre que magnifique, aussi dangereux qu’indomptable, face auquel les deux hommes n’ont aucun pouvoir. Toute la beauté de ce livre réside dans ce redoutable face-à-face qui met en scène deux hommes et un océan implacable.


L’homme face à lui-même


C’est face à ce destin tragique, alors qu’ils ne sont plus que tous les deux sur le bateau, que leur nature reprend le dessus. Hector, bien trop jeune pour affronter l’absence totale de sens que leur situation engendre, perd peu à peu tous ses moyens. Bolivar, au contraire, sans doute bien plus pragmatique, s’impose une certaine routine pour éviter de tomber dans la folie. C’est également lui, débrouillard, qui arrivera à les faire survivre le plus longtemps possible au milieu de cette immensité bleue.


Sans y mettre de mots, il comprend qu’une tempête trouve son véritable sens dans ce qu’elle dévoile, que le chaos exprime ce qu’il est et donne forme à ce que l'œil ne saurait percevoir.

Dans un silence effroyable, ces deux hommes se retrouvent seuls au milieu des flots. Le temps se dilate, s’efface, au profit des questionnements qui viennent peu à peu à l’esprit de ces deux protagonistes. D'abord la colère de l’un (pourquoi Hector a-t-il accepté de suivre Bolivar ?) face à l’assurance de l’autre (ne t’en fais pas, nous allons bientôt être secouru. Tu verras, les autres viendront nous chercher). Puis, les jours passant, puis les semaines, ce sont des interrogations beaucoup plus profondes qui hanteront Hector et Bolivar. Et c’est ici que surgit toute la puissance de ce livre.


Un livre existentiel sur la condition humaine


Face à cet affrontement de soi avec soi-même, des questionnements existentiels s’accrochent à l’esprit de Bolivar et d’Hector, dans une moindre mesure. Bolivar voit sa vie défiler et se demande s’il a fait les bons choix, si ce à quoi il accordait de l’importance en avait véritablement. Si au début du livre, il est présenté comme un homme se laissant porter par sa routine, ses besoins primaires, il finit par sonder le plus profond de son existence pour essayer d’en trouver le sens. Le jeune homme, quant à lui, finit par perdre pied et sombre progressivement dans la folie. D’une certaine façon, c’est en vivant cette situation accablante que les deux hommes finissent par se poser des questions qu’ils n’auraient jamais imaginé se poser. Pour trouver un sens à tout ça.


Dieu est le père du diable, mais le diable est le père de l’homme.

On le voit, plus qu’un livre classique sur la survie comme on a pu le dire plus tôt, ce livre est avant tout un roman sur le désespoir, sur la possibilité de la mort et les conséquences que cela engendre, sur le sens que nous donnons à la vie et ce que nous voulons en faire. C’est dans le minimalisme de l’intrigue, des personnages et du décor que Paul Lynch confronte l’humanité à sa condition à travers Hector et Bolivar. L’écrivain tente, à sa façon, de répondre à des questions métaphysiques sur ce qui fait qu’être un homme, intrinsèquement. Et c’est avec le personnage de Bolivar que le récit atteint une véritable dimension tragique, presque mythique.


En dernier lieu, nous pouvons également entrapercevoir dans ce roman une réflexion sur la place de l’Homme dans la Nature. Car c’est dans la lutte face à une nature dans ce qu’elle a de plus féroce, de plus inéluctable, que les deux personnages se voient propulser. Si la pollution des océans est bien évidemment évoquée, l’auteur nous invite à penser la Nature comme une force qui se refuse à notre compréhension. Ce n’est pas en elle que nous pourrons trouver le sens de notre existence, mais bien en nous. Il suffit juste de se poser les bonnes questions.


Pour quelle raison viendraient-ils à moi ? Ils m’abandonneront à ce châtiment. La pluie sur le rien de la mer. Le rien de la mer qui s’étend à l’infini. La fin jamais atteinte. Et toi, pris dans ce rien. Quelle étrangeté, quelle désolation, dans le fait que tu existes.

Pour ce quatrième livre, Paul Lynch a décidé d’explorer un territoire encore inconnu sous sa plume : l’océan. Délaissant sa terre natale, l’Irlande, qui lui a servi de décor pour ses romans précédents, l’écrivain au style si particulier propose à son lecteur un voyage existentiel sur l’océan en compagnie de deux personnages, Hector et Bolivar. Ces deux hommes, abandonnés au milieu de l’océan après une terrible tempête, se retrouvent prisonniers de leur propre embarcation, loin de tout, à la dérive. Face au silence assourdissant qui règne, et les jours puis les semaines qui finissent par s’écouler, leur esprit est peu à peu assailli de questions et d’interrogations qu’ils n’auraient, en d’autres circonstances, jamais imaginé se poser. Toute la beauté de ce livre réside dans ce redoutable face-à-face qui met en scène deux hommes et un océan implacable. Plus qu’un livre de survie classique, ce roman est avant tout un essai existentiel sur la condition humaine. C’est dans le minimalisme de l’intrigue, des personnages et du décor que Paul Lynch confronte l’humanité à sa condition à travers Hector et Bolivar. L’écrivain tente, à sa façon, de répondre à des questions métaphysiques sur ce qui fait "être un homme", intrinsèquement. Fidèle à sa prose si particulière, mêlant lyrisme et poésie, Paul Lynch nous offre, encore une fois, un roman bouleversant qui nous accompagnera longtemps.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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