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André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes - Alexandre Duval-Stalla (2008)

Une biographie croisée autour d'un duo politique qui a marqué l'Histoire de France. Essentiel pour comprendre leur dynamique et les valeurs qui les a lié pour l'éternité.


Une biographie croisée sur deux figures emblématiques de la France du XX siècle
 

André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes, Alexandre Duval-Stalla, Folio, 2016 (2008)

Il est 11 heures du matin, le mercredi 18 juillet 1945, au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique, à Paris. Deux légendes se font face : le chef de la France libre et la figure mythique de l’écrivain engagé dans la lutte antifasciste de l’entre-deux-guerres. Leur première rencontre n’a pas été une évidence. Elle a même été tardive. Débute alors une amitié indéfectible sur les hauteurs pendant plus de vingt-cinq années.

Une lecture captivante et intimiste de deux hommes qui ont fait la France.

 

Alexandre Duval-Stalla est avocat et président de l’association « Lire pour en sortir », une association qui met la lecture au cœur de la réinsertion des personnes détenues en France. Il est également l’auteur de trois biographies croisées : André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes (2008), Claude Monet - Georges Clemenceau : une histoire, deux caractères (2010) et François-René de Chateaubriand – Napoléon Bonaparte : une histoire, deux gloires (2015). À bien des égards, ces livres au concept plus que pertinent lorsqu’il s’agit de présenter des duos, des couples presque, qui ont marqué l’Histoire de France représentent une formidable découverte pour qui souhaite se familiariser avec des figures majeures de notre pays.


Dans l’ouvrage qui occupera cette chronique, André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes, l’auteur nous entraîne aux côtés de deux personnages emblématiques du XXe siècle qui ont posé, chacun à leur manière,  les fondations de ce que nous connaissons aujourd’hui comme la Vème République. Avec une clarté et une pédagogie bienvenue tant le XXème siècle a été d’une complexité rare, ce livre explore avec finesse et profondeur les relations complexes, les convergences intellectuelles et les collaborations politiques de ces deux hommes d'exception. À travers une analyse détaillée et des anecdotes savamment choisies, Duval-Stalla réussit à lever une partie du voile qui entoure le fonctionnement de ce couple unique en son genre : un homme politique d’exception, héros de la France : Charles de Gaulle ; et un homme de lettres à la culture et à l’inspiration inépuisables : André Malraux. 


Le coup de foudre est réciproque entre les deux hommes. Débute alors une amitié indéfectible sur les hauteurs pendant plus de vingt-cinq années.

Comment ces deux hommes, que tout oppose sur le papier, ont-ils pu se rencontrer ? Et surtout : comment ont-ils pu s’entendre au point de partager quasiment vingt-cinq ans de leurs vies côte à côte ? Ce livre répond en grand partie à ces questions fondamentales.


Avant 1945 : des personnalités que tout oppose


Si les deux hommes se sont officiellement rencontrés en juillet 1945, Alexandre Duval-Stalla a tenu à donner une bonne place à leur jeunesse respective. Et autant dire que beaucoup de choses les séparent alors. Charles de Gaulle grandit dans le nord de la France, dans « une famille unie, issue de la noblesse de robe ». Son père est professeur émérite et sa mère issue d’une famille d’industriels implantés dans le Nord. Élevé dans cette famille bourgeoise, Charles de Gaulle se destine à une carrière militaire. 


Reconnu pour sa droiture, sa personnalité déjà bien affirmée, il participera à la Première Guerre mondiale : blessé, il sera ensuite capturé en 1916, et restera prisonnier en Allemagne jusqu’à l’armistice de 1918. Durant l’entre-deux-guerres, il gravira les échelons et deviendra officier d’état-major. Cela étant, il se désolidarisera à plusieurs reprises des hauts gradés français, trouvant leurs stratégies militaires pas assez modernes. Il écrira d’ailleurs plusieurs livres à ce sujet. C’est au grade de colonel que De Gaulle entre en plein dans la Seconde Guerre mondiale.


Sans doute les relations qu’il a eu (ou n’a pas eues) avec sa mère ont profondément marqué l’enfance d’André Malraux. Ȧ tel point qu’il a non seulement occulté son enfance, mais l’a finalement rejetée au point d’effacer le souvenir de sa mère, figure si absente de tous ses romans.

Pendant ce temps-là, André Malraux, de onze ans son cadet, est loin de mener cette vie. Sa jeunesse est plutôt celle d’un « autodidacte ». Ses parents se séparent assez vite, il sera élevé par sa mère, non sans rester en contact avec son père. Malraux n’a pas apprécié son enfance. Il n’obtiendra pas son baccalauréat, préférant se rendre chez les bouquinistes chez qui il développera sa passion pour la littérature. Il travaillera ensuite pour un éditeur qui le fera entrer dans le milieu artistique du Paris des années 1920.


André Malraux comment alors à écrire, marque profondément les personnes qu’il rencontre par sa verve, son caractère habité et inspiré, et fera peu à peu sa place dans le monde littéraire français en publiant de nombreux textes, essais et romans, dont notamment La Tentation de l’Occident (1926), Les Conquérants (1928) ou encore La Condition humaine (1933) pour lequel il obtiendra le prix Goncourt.


Cependant, André Malraux est aussi un écrivain engagé à gauche. Il se fait déjà le plus féroce adversaire du colonialisme, en fondant notamment le journal L’Indochine qui dénonce le système colonial alors en vigueur dans l’actuel Vietnam. Il sera aussi un antifascisme convaincu, n’hésitant pas à s’engager lors de la Guerre d’Espagne.


Avec ces nombreuses pages dédiées à la jeunesse, à la formation et aux premières années de leur vie, Alexandre Duval-Stalla nous montre à quel point ces deux personnalités sont totalement opposées à l’aube de la Seconde Guerre mondiale : Charles de Gaulle, militaire convaincu et déjà, à bien des égards, à part ; et André Malraux, romancier de renom et profondément ancré à gauche. 


Charles de Gaulle et André Malraux n’auraient pas été ce qu’ils ont été si, au-delà de leur propre caractère, ils n’avaient possédé une profonde culture tant historique que littéraire. [...] Le seul point commun de leur enfance est une même passion des livres et de l’Histoire. André Malraux et Charles de Gaulle se sont rencontrés et se sont admirés mutuellement parce qu’au commencement il y avait le Verbe.

Une collaboration politique déterminante


C’est à la Libération de la France, le 18 juillet 1945, que Charles de Gaulle et André Malraux se rencontrent pour la première fois. Et cette entrevue signera le début d’une longue aventure commune qui durera près de vingt-cinq ans. 


L'une des grandes forces de cet ouvrage réside dans sa capacité à mettre en lumière l'amitié intellectuelle et spirituelle qui liait Malraux et De Gaulle à partir de cette première rencontre. Malraux, avec son aura d'homme de lettres et de combat, trouve en De Gaulle un interlocuteur à la hauteur de ses aspirations humanistes et de son engagement politique. Dès cet instant fondamentalement déterminant, André Malraux va être de tous les combats de De Gaulle de l’après-guerre jusqu'à la fin de sa vie, en 1970.


Nul besoin ici de revenir sur les cinq années de guerre du général de Gaulle. Malraux, quant à lui, s’est engagé plus tardivement, à partir de 1944, dans la Résistance du Sud-Ouest, mais finit par devenir le chef de la brigade Alsace-Lorraine.


La France est la source et la lumière de leur rencontre. Elle est aussi le socle de leur amitié à partir de juillet 1945.

À partir de la fin de la guerre, tout est à reconstruire. Malraux accompagnera De Gaulle, de la formation du parti RPF (Rassemblement du Peuple Français) à sa démission de la Présidence de la République en 1969 en passant par la création de la Vème République en 1958.


Au-delà de leur relation personnelle, Duval-Stalla met en lumière l'impact déterminant de la collaboration politique entre Malraux et De Gaulle. Nommé ministre des Affaires culturelles en 1959, Malraux joue un rôle clé dans le gouvernement gaulliste, œuvrant sans relâche pour promouvoir la culture française et démocratiser l'accès aux arts. 


L'auteur nous fait revivre les moments forts de cette collaboration, de la création des Maisons de la Culture à la politique de sauvegarde du patrimoine, en passant par les discours vibrants de Malraux sur la résistance et à la liberté (on se souvient peut-être de son célèbre hommage à Jean Moulin lors de son entrée au Panthéon en 1964) .


L’action de Malraux, profondément marquée par les idées gaulliennes, reflète la symbiose entre ses propres convictions et la vision de De Gaulle pour la France. Pour le Général, pouvoir compter sur un homme aussi passionné et idéaliste, lui permettant de véhiculer ses idées de la plus belle des manières, a été fondamental. Malraux a été de toutes les décisions de De Gaulle, l’un de ses plus fidèles compagnons durant sa vie politique.


Et si, à l’origine, le ministère des Affaires culturelles n’a été finalement créé que pour répondre au voeu du général de Gaulle de « trouver quelque chose » à André Malraux, il n’en est pas moins devenu au fil des années une des plus grandes réussites de la Vème République grâce au génie créateur et aux fulgurances de ce dernier.

Une amitié intellectuelle et spirituelle


Duval-Stalla dépeint avec une grande acuité comment Malraux, fasciné par le destin et la grandeur de la France, voit en De Gaulle l'incarnation même de ses idéaux. De leur première rencontre à leurs discussions enflammées sur l'art, la culture, et la politique, l'auteur nous offre une plongée intime dans les coulisses de cette relation hors du commun. Il montre également comment cette amitié a été nourrie par une admiration réciproque et une vision partagée d'une France forte et souveraine.


Sans être une authentique amitié (d’ailleurs, ceux qui ont pu se targuer d’être des « amis » de De Gaulle doivent se compter sur les doigts d’une seule main tant le Général était réputé froid et distant, en véritable homme d’Etat), il est indéniable à la lecture de ce livre que le respect qui liaient ces deux figures étaient au-delà de celui qui d’habitude rassemble le commun des mortels.


En fait, le général de Gaulle avait trouvé en André Malraux un alter égo, un être à sa hauteur et à sa mesure et qui, en même temps, le gardait contre les tentations du renoncement. Face à lui, il ne pouvait être et agir qu’en général de Gaulle.

L’idée mise en avant dans ce livre, la clé de lecture qu’y développe Alexandre Duval-Stalla pour tenter de percer le mystère de la relation entre ces deux hommes est, au fond, relativement simple à saisir : que ce sont De Gaulle ou Malraux, chacun à vue en l’autre ce qu’il ne pouvait être. De Gaulle a toujours eu une passion pour la littérature, mais deviendra un homme politique qui écrira quelques chapitres de l’Histoire de France. Et Malraux qui, dans sa jeunesse, rêvait de changer le monde à son image, trouvera en De Gaulle la figure de l’homme politique qui influe sur l’Histoire.


Au fond, voici un passage de cette biographie qui résume à merveille la relation entre les deux hommes : « En réalité, ils admiraient en l’autre la part d’eux-mêmes qui leur avait échappé et qu’ils avaient en vain poursuivie : le Verbe pour l’un et l’Histoire pour l’autre. Ȧ cet égard, il n’y a eu aucun précédent d’un tel dialogue dans l’histoire du monde ; ce dont André Malraux était particulièrement fier. C’était le dialogue de l’artiste et du personnage historique, du Verbe et de l’Histoire ».


En conclusion, le livre d'Alexandre Duval-Stalla est une œuvre incontournable pour quiconque souhaite comprendre la profondeur et la complexité de la relation entre André Malraux et Charles de Gaulle. À travers une écriture concise, claire et rigoureuse, l'auteur réussit à rendre hommage à deux géants de l'histoire française, tout en offrant une réflexion pénétrante sur leur héritage intellectuel et politique. Ce concept, une biographie croisée sur la relation entre deux hommes, est suffisamment original pour permettre de mieux saisir la dynamique de ce duo qui a marché côte à côte pendant plus de vingt-cinq ans. Pourtant, rien ne destinait ces deux hommes à s’entendre tant leur jeunesse et leur trajectoire étaient, initialement, aux antipodes : De Gaulle, plutôt de droite, à la carrière militaire toute tracée, et Malraux, l’homme de lettres et de culture, dont les combats l’ont ancré à gauche. Mais Duval-Stalla nous offre ici une clef pour comprendre cette relation hors norme empreinte d’un profond respect : chacun à vu en l’autre, un égal, qui représentait à certains égards ce qu’il n’avait pas pu être. Bref, André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes est un livre qui captivera les passionnés d'histoire, de littérature et de politique.


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“ Chaque esprit se construit pour lui-même une maison, et par-delà sa maison un monde, et par-delà son monde un ciel.”

Ralph Waldo Emerson

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